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rogues, 350,000 kilogrammes de guano, représentant une valeur totale de 20,220,000 francs.

La pêche du hareng n’est guère moins importante que celle de la morue, et dès le IXe siècle elle était une des sources de la richesse du pays. Ce poisson, au moment de frayer, c’est-à-dire vers le mois de janvier, s’élève du fond des eaux, et se rapproche des côtes en bancs considérables pour y déposer ses œufs. Généralement il visite chaque année les mêmes régions ; on signale néanmoins des intermittences pendant lesquelles il semble avoir abandonné certains parages pour y reparaître quelques années plus tard. Comme les bancs passent avec une très grande rapidité, les pêcheurs sont oblige de les suivre, et ne peuvent, comme pour la morue, s’installer sur des points déterminés. Afin de remédier à cet inconvénient, les équipages de quatre ou cinq bateaux pêcheurs louent en commun un petit bâtiment ponté de 20 à 30 tonneaux, dans lequel ils ont leurs lits, leurs vivres, leurs vêtemens de rechange, et qui les accompagne pendant toute la durée de la pêche. Chaque bateau est en général monté par quatre ou cinq hommes et muni de quinze ou trente filets ayant de 10 à 15 brasses chacun. Ces filets, confectionnés en fil de chanvre tanné avec l’écorce de chêne ou de bouleau, sont réunis par groupes de trois ou quatre et tendus verticalement dans la mer au moyen de pierres qu’on attache à la partie inférieure et de flottes fixées à la partie supérieure. Ils sont placés le soir et relevés le matin ; chacun d’eux donne en moyenne un millier de poissons. Lorsque le hareng se rapproche beaucoup des côtes et pénètre dans les baies, on barre l’ouverture de celles-ci au moyen d’un immense filet de 120 ou même 150 brasses de long sur 20 brasses de haut, et l’on s’empare à son aise au moyen de sennes des poissons ainsi prisonniers. Ce genre de pêche nécessite un armement spécial qui ne coûte pas moins de 12,000 fr. et un équipage de 20 ou 25 marins.

La pêche du hareng occupe environ 30,000 hommes, et produit annuellement de 600 à 800,000 barils de poissons qui, au prix de 10 francs l’un, représentent pour chaque pêcheur un bénéfice de 200 à 270 francs. Presque tous les marins armés de filets sont propriétaires des bateaux et des engins dont ils se servent, et partagent leur produit sur le pied d’une parfaite égalité. Quant aux propriétaires des filets à barrage, ce sont ordinairement des négocians qui n’ont à bord que des hommes engagés, avec lesquels ils partagent par moitié. Une fois arrivé à terre avec son chargement journalier, le pêcheur le cède soit aux ateliers de salaison existant sur les côtes, soit à des bateaux de 10 à 40 tonneaux qui, au nombre de 800, suivent la pêche pour en acheter les produits