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faculté d’exprimer par une expression claire et brève le système d’après lequel elles entendent s’associer.

La loi sur la suppression de la contrainte par corps, promulguée deux jours avant la loi sur les sociétés, a causé des inquiétudes aux commerçans et excité des regrets parmi les hommes de loi. Il y a du vrai et du faux dans ces réclamations. Le crédit commercial sera-t-il atteint par l’abolition de la contrainte par corps ? Voilà ce qu’il importe d’éclaircir. Que se passait-il en cas de cessation de paiemens, lorsque la loi admettait la contrainte par corps ? Le commerçant insolvable était affranchi de la contrainte quand il obtenait un concordat de ses créanciers. Pour retomber sous le coup de la loi, il fallait qu’il ne payât pas le dividende promis. Reste le cas où les créanciers ne votaient pas de concordat. Ils faisaient alors vendre à leur profit les biens du failli, et ils demeuraient les maîtres, selon qu’ils le trouvaient ou ne le trouvaient pas excusable, de le soumettre à la contrainte par corps ou de l’en affranchir. Ils ne se refusaient guère à lui accorder la déclaration d’excuse, sauf lorsqu’ils le soupçonnaient d’avoir commis quelque fraude ou dissimulé une partie de l’actif. Or, s’il y avait fraude, la contrainte devenait un auxiliaire inutile de la poursuite criminelle. Le détournement d’actif fait d’un simple failli un banqueroutier frauduleux que la loi pénale, justement sévère, punit des travaux forcés à temps. La répression sur la poursuite du ministère public est assez bien armée pour qu’il soit inutile d’y ajouter la contrainte par corps à la demande de la partie. L’organisation de la faillite rendait donc inutile au commerce la mainmise corporelle, et, comme la législation des faillites et banqueroutes n’a éprouvé aucun changement par l’effet de la loi qui supprime la contrainte, nous sommes en droit de dire que les commerçans n’ont rien perdu et qu’il n’y a aucune cause de diminution pour le crédit. Le petit commerce, auquel on s’est beaucoup intéressé pendant cette discussion, n’en souffrira pas plus que le grand négoce. La loi sur les faillites est faite pour tous les commerçans, quel que soit le chiffre de leurs affaires. Au reste, c’est envisager la contrainte sous un jour faux que de la regarder comme un moyen de crédit à l’usage de ceux qui n’ont pas d’autre gage à donner que leur personne. Quel créancier prêterait, s’il craignait d’avoir à faire usage de cette voie d’exécution ? La contrainte par corps est une ressource que le créancier emploie en dernier lieu ; mais il n’y pense pas un instant, lorsqu’il livre son argent. La plupart du temps même il ne l’emploie pas, et, au lieu de faire incarcérer son débiteur, ce qui pourrait ajouter au capital perdu, il passe le montant de sa créance au chapitre des profits et pertes.

Est-ce à dire que la loi du 22 juillet 1867 mérite d’être