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la faire. Au fond cependant, nous sommes d’avis qu’il n’y avait qu’à proclamer la liberté des contrats. On y viendra bientôt, car la loi nouvelle rencontrera tant de difficultés d’exécution, qu’on ne tardera pas à demander et, nous n’en doutons pas, à obtenir qu’on la modifie. Que sont d’ailleurs les lois de 1863 et de 1867 ? Des étapes vers cette complète liberté des conventions. La logique ne permettra pas qu’on s’arrête, et, puisque le voyage est commencé, Il faudra bien qu’on arrive.

Dans notre déposition lors de l’enquête sur les sociétés coopératives, nous avons fait observer que le mariage, de toutes les sociétés la plus importante, n’est pas enfermé dans un cercle étroit, que, pour le règlement de leurs intérêts, les époux peuvent faire toutes les stipulations qu’il leur plaît. Si le code civil détermine avec précision les caractères généraux de certains régimes, c’est uniquement pour donner aux parties une formule abrégée de leurs volontés. Au lieu de faire des actes interminables, elles déclarent, par une expression dont l’effet est bien connu, qu’elles adoptent la communauté, la séparation de biens, le régime dotal. C’est une facilité, ce n’est point une limite, et, s’il leur convient de sortir de ces cadres, elles peuvent combiner les clauses de leur contrat, à la condition toutefois de ne pas blesser les règles qui dominent toutes les conventions. Pourquoi n’appliquerait-on pas aux sociétés commerciales ce qui n’est pas jugé périlleux en matière d’association conjugale ? Il suffisait de définir légalement en quoi consistaient les types de société les plus usités : le régime choisi par les contractai aurait pu alors être exprimé en deux mots ; mais il fallait ensuite ajouter que les associés pourraient adopter toutes les combinaisons qu’ils jugeraient opportunes, sans autres restrictions que celles qui sont toujours réservées dans l’intérêt de l’ordre public et des bonnes mœurs. Quelques formalités de publicité auraient suffi pour avertir le public de ce qu’il avait intérêt à savoir sur les conditions auxquelles la société était constituée. Quant à la responsabilité des engagemens sociaux, les parties l’auraient promise grande ou petite, suivant le crédit qu’elles auraient désiré avoir. Il suffit de l’intérêt bien entendu pour déterminer le degré de responsabilité qui est nécessaire au succès d’une entreprise.

Le système que nous avons exposé devant la commission d’enquête fut soutenu par d’autres déposans en présence de la même commission. Il fut proposé au corps législatif par un amendement de M. E. Ollivier, amendement que la chambre a refusé de prendre en considération. Entre la proposition contenue dans cet amendement et celle que nous avions faite, il y a une grande différence. M. É. Ollivier se bornait à poser en principe la liberté de conventions, en la restreignant par trois ou quatre règles très simples. À ces quelques