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Que de gens de service ont eu à déplorer, en regardant leurs titres stériles, qu’il n’y ait plus de Pyrénées, et que ce soient nos capitaux qui aient fait les frais des hasardeuses entreprises de nos voisins ! Fixer le chiffre de l’action est donc une précaution vaine qui ne protège personne et une entrave qui peut arrêter des affaires sérieuses. Alors même que cette clause ne serait pas réellement gênante, elle est arbitraire et n’a pas de raison d’être.

La suppression de l’autorisation préalable du gouvernement est sans doute une mesure fort libérale. C’est un grand progrès que la substitution d’une légalité, même sévère et étroite, au bon plaisir administratif. A quelques égards cependant, la loi nouvelle est plus rigoureuse que l’ancienne, puisqu’elle défend des combinaisons qui autrefois n’étaient pas prohibées. Lorsque nous étions régis par le code de commerce, le conseil d’état pouvait autoriser des sociétés anonymes ayant moins de sept membres ou un capital divisé en coupures au-dessous de 100 francs. Le code consacrait trois articles à régler les conditions de cette autorisation du conseil d’état. Ces articles sont abrogés aujourd’hui par une disposition expresse de la nouvelle loi, et ces associations ne sauraient plus légalement se former en aucun cas. Si on voulait faire un pas vers la liberté, il ne fallait point répudier les avantages de la loi ancienne ; nulle raison ne demandait qu’on abrogeât des articles qui diminuaient la rigidité de notre législation commerciale. Le code de 1807 était depuis longtemps éprouvé ; il n’inspirait certes aucune inquiétude à ceux qui redoutent le plus les écarts de la liberté. Pourquoi ne l’a-t-on pas combiné avec la loi de 1867 en attribuant à l’un et à l’autre une sphère d’application séparée ? La répartition était aisée à faire. Les sociétés qui se seraient formées sans autorisation préalable auraient été régies par la nouvelle loi, celles qui n’auraient pas pu se soumettre à ces prescriptions se seraient constituées avec la permission du gouvernement.

Les restrictions dont le législateur de 1867 a entouré la commandite par actions et l’anonymat ont été non supprimées, mais relâchées pour les sociétés dont le capital ne dépasse pas 200,000 fr. La loi crée en effet un nouveau type de société sous le titre de société à capital variable, dont les caractères se résument ainsi : les coupures d’actions peuvent être abaissées jusqu’à 50 francs, et le versement du dixième seulement ou 5 francs est obligatoire ; mais ces actions restent toujours nominatives, même après qu’elles sont complètement libérées. La cession ne s’en fait donc jamais par transmission de la main à la main, et, pour être régulière, elle doit être inscrite sur les registres de la société. Tout associé peut se retirer à volonté, diminuer le capital social par sa retraite, et cette modification n’est soumise à aucune condition de publicité. La société à