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pour qu’on ne pût pas se dispenser d’en tenir compte. Il est vrai, comme on l’a souvent dit, que la coopération n’est qu’une application du principe d’association ; mais il est incontestable aussi que cette société se présente avec des conditions particulières qui ne lui permettraient pas de se mouvoir à l’aise dans notre législation sur les sociétés. Les sociétés coopératives étaient impraticables tant qu’on exigeait d’elles l’obligation d’avoir un capital et un personnel déterminés et celle de publier tous les changemens qui pourront survenir en cours d’opérations dans le capital ou le nombre des associés. Les ouvriers se déplacent suivant les besoins des chantiers ; il faut donc qu’ils puissent quitter une société de consommation ou de crédit avec la même facilité que s’ils se retiraient d’une société de secours mutuels. Si, pour constater ces changemens, une association coopérative était obligée de faire les frais d’une publication au greffe et aux annonces judiciaires, elle serait écrasée par ces dépenses minimes, mais incessantes. Il fallait donc créer des dispositions nouvelles pour faciliter la formation de cette société à personnel mobile et à capital variable. Les avis exprimés dans ce sens devant les commissions d’enquête sur le taux de l’intérêt, sur la coopération et surtout les progrès du mouvement coopératif, ont décidé le gouvernement à proposer et le corps législatif à voter un chapitre spécial sur les sociétés à capital variable.

La loi du 24 juillet 1867 a, pour les sociétés anonymes, supprimé la limitation du capital à la somme de 20 millions ; mais, en abrogeant l’autorisation préalable, elle n’a pas rompu complètement avec le système des précautions préventives. Plusieurs des restrictions qu’avait établies la loi de 1863 ont été conservées ; les lisières sont allongées, non coupées. Le nombre de sept associés est toujours de rigueur pour que la société anonyme puisse être constituée. Il y aurait nullité, si l’acte était fait entre six personnes seulement, alors même que ces capitalistes apporteraient une somme supérieure à celle qui serait fournie par sept associés moins riches. Un million de francs mis en société par six personnes n’aurait pas la même vertu que 100,000 francs apportés par sept. C’est la loi, et il faut s’incliner. La loi n’est-elle pas toute-puissante pour se faire obéir ? Même singularité pour la division du capital. Si le capital est inférieur à 200,000 francs, la coupure de l’action ne peut pas descendre au-dessous de 100 francs, et, s’il est supérieur, le chiffre de 500 francs par action est de rigueur. Est-ce toujours en vue-de mettre en garde les petites bourses contre les spéculations trop audacieuses ? Le chiffre de 100 francs, dont le quart seulement est exigible pour commencer, est accessible aux économies les plus modestes. Les actions et obligations des chemins espagnols s’étaient placées en grande partie chez les déposans aux caisses d’épargne.