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abandonnés dans la forêt ; même le commandant de la troupe et son lieutenant, M. Cabral de Menezes, purent voir disparaître leurs soldats avant que n’eût commencé pour eux l’agonie de la mort. Enfin les malheureux faméliques, n’ayant pour toute ration qu’une once de viande par jour, atteignirent Nioac. Ils croyaient toucher au terme de leur lamentable odyssée ; mais la place s’était rendue aux Paraguayens, et la retraite dut continuer encore plusieurs jours jusqu’au pied du Monte-Azul, où les survivans de l’expédition trouvèrent à la fois de la nourriture, des soins et le repos indispensable après tant de fatigues.

pendant que ces tristes événemens s’accomplissaient, le gouverneur de Cuyaba, M. Couto de Magalhães, qui aurait dû, semble-t-il s’occuper avant tout de marcher au secours de l’infortuné colonel Camisão, dirigeait une force de 2,000 hommes vers un point tout opposé de la province, c’est-à-dire vers le fleuve Paraguay. Il voulait reconquérir le fortin de Corumba, dont les Paraguayens s’étaient emparés dès le commencement de la guerre, et où ils avaient laissé une petite garnison. Les débuts de l’expédition furent assez heureux : le 13 juin, la flottille brésilienne réussit à surprendre le fort, situé sur un monticule qu’entouraient les eaux débordées du fleuve. Après un combat acharné qui dura près de deux heures, les assaillans, beaucoup plus nombreux que leurs adversaires, finirent par l’emporter, et massacrèrent, dit-on, la plupart des blessés qui se trouvaient entre leurs mains. Toutefois ils ne devaient pas rester longtemps possesseurs dès murs reconquis. Quatre jours après, ayant aperçu, de loin quelques vapeurs paraguayens envoyés de l’Assomption pour reprendre Corumba, ils jugèrent prudent d’abandonner la place, où d’ailleurs la petite vérole commençait à les décimer, et laissèrent définitivement à leurs ennemis ce point important, d’où part la nouvelle route qui relie le Paraguay aux villes du plateau bolivien. Ainsi, au nord comme au sud de la petite république, les combats, les batailles, les expéditions diverses, n’ont presque rien changé, pendant les douze mois qui viennent de s’écouler, aux positions respectives des belligérans. Le Paraguay a su maintenir ses frontières militaires, et, s’il reste bloqué du côté de l’Atlantique, il garde toujours, par la Bolivie, ses libres communications avec la Mer du Sud.


V

D’après les renseignemens que donnent sur l’état du Paraguay les journaux du pays et les rares étrangers qui ont pu franchir les