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de propriétés régulières, et dont la conservation ne peut inspirer aucune inquiétude. Cet exemple est bon à citer, parce que les occasions sont nombreuses où, comme ici, quelques modifications judicieuses à de routinières pratiques suffiraient pour introduire la rigueur scientifique et. tous les avantages qu’elle amène avec elle dans des préparations défectueuses, bien que consacrées par l’expérience. C’est ainsi qu’en a jugé le jury international, puisqu’il a décerné une médaille d’or à M. Martin de Lignac pour ses bouillons concentrés et ses jambons, et à notre tour il nous a paru opportun d’indiquer, dans une fabrication qui peut en quelque sorte être prise pour modèle, comment, pour améliorer, il suffit souvent de se rendre bien compte des véritables conditions des phénomènes qu’on veut diriger.

C’est pour s’être pénétrés de cette vérité si simple que les premiers fabricans des fermens. organisés et de la levure pressée d’Autriche sont parvenus à créer une industrie qui occupe aujourd’hui plusieurs grandes usines, et dont les progrès ne sont peut-être pas étrangers à la réputation que les boulangeries de Vienne ont acquise. Il s’agissait ici à la vérité de phénomènes complexes, obscurs, dont la théorie a été longtemps incertaine ; nous voulons parler des fermentations. Pour bien faire saisir l’importance de la question résolue par les fabricans de levure pressée, nous devons indiquer en quelques mots quelles sont les idées qui ont successivement eu cours, et quelles sont celles aujourd’hui admises sur la nature vivante, la composition immédiate et le mode de reproduction des fermens.

Vers la fin du siècle dernier, un ingénieux physicien, Cagniard-Latour, examinant sous le microscope de la levure de bière prise chez un brasseur, reconnut qu’elle était formée d’une infinité de globules transparens ayant chacun à peine un centième de millimètre décamètre. Il constata de plus que ces corpuscules peuvent se multiplier au sein du liquide qui les contient, et il en tira la conclusion qu’ils étaient doués de vie et de facultés de reproduction. Il n’y avait rien là que de parfaitement exact, bien que ces observations parussent contredites par celles de Gay-Lussac et de Thénard. Dans leurs recherches expérimentales très précises sur la fermentation alcoolique, ces deux savans avaient remarqué que le ferment employé par eux pour déterminer la transformation du sucre en alcool et en gaz acide carbonique diminuait de poids à mesure que s’accomplissait ce dédoublement de la manière sucrée. C’est en cherchant dans une direction différente que je parvins à donner l’expiration de ces faits au premier abord inconciliables. Je déterminai en premier lieu la composition de la levure, et démontrai qu’elle