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dernier moment, il laisse de côté la convention, se met à la place de Garibaldi et conduit son pays au seuil du plus redoutable conflit. C’est la part de l’Italie. Quelle est la part de la France ?

C’est la fatalité de cette triste affaire d’être devenue pour toutes les politiques une source d’anomalies, de contradictions, — et la France elle-même n’y a point échappé. Elle n’a eu que l’apparence de la netteté dans une situation à peu près aussi fausse que celle de l’Italie, et c’est pour elle surtout qu’il y a dans cette dernière crise deux choses distinctes, la question même de la papauté temporelle et une question de dignité diplomatique. Ce qu’on peut dire au premier abord, c’est que l’Italie a eu le malheur, a commis la faute de provoquer la confusion de ces deux questions en mettant en jeu les susceptibilités diplomatiques de la France, en créant à la politique française un ennui et des embarras de plus. On peut le voir maintenant, ce n’est pas d’hier, c’est depuis le mois de janvier dernier et surtout depuis le mois d’avril que la diplomatie française tient le gouvernement italien en éveil, qu’elle lui fait sentir le danger. Ceci est tristement vrai, et, il faut le dire, si les hommes d’état italiens ne se sont pas tenus pour avertis, s’ils n’ont pas compris que la convention du 15 septembre avait en ce moment une valeur particulière comme signe d’une influence mise en doute sur d’autres points, ce n’est pas tout à fait la faute du gouvernement français. Ce qui est clair encore, c’est que la France avait la force, qu’elle en a usé, et que peut-être parce qu’elle avait la force, parce qu’elle s’est trouvée en mesure d’agir avec une promptitude foudroyante, elle a pu échapper à quelques-unes des conséquences qui pouvaient naître d’une intervention nouvelle. Elle a réussi en ce sens qu’elle n’a pas été poussée du premier coup aux extrémités où elle pouvait être conduite, qu’elle est allée à Rome sans y trouver la guerre qui pouvait y être, que les Italiens, après avoir commis une faute, n’y ont pas heureusement persisté, qu’enfin tout ce qu’on pouvait craindre n’est pas arrivé. Cela prouve-t-il que la France, provoquée si l’on veut, n’ait pas cédé de son côté à la plus périlleuse des tentations, qu’elle ne se soit pas jetée elle-même dans une grande aventure avec la chance de n’y rencontrer que de médiocres occasions de gloire pour ses armes et des déceptions nouvelles ou des hasards nouveaux pour sa politique ?

Quel est en définitive, quel peut être le caractère de cette seconde expédition de Rome ? Où tendait-elle ? que se proposait-elle ? Là est justement la question, là commence la confusion. Le premier danger était de paraître poursuivre un but en contradiction avec tout ce qu’on a fait, de se lancer dans une entreprise à laquelle les passions, l’imprévu, les accidens, pouvaient donner des