Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/684

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

maire de Nantes, et le soir MM. des états, informés par M. Boucherat, l’un des commissaires de sa majesté, de l’ordre dans lequel, elle les admettrait devant elle, se présentaient au château. « Étant entrés, ils ont trouvé sa majesté assise dans une chaise et se sont présentés messieurs de l’église à main droite, messieurs de la noblesse à main gauche et debout, découverts et derrière eux, messieurs du tiers un genou en terre. A côté du tiers et derrière la noblesse étaient les officiers des états. Mgr de Saint-Brieuc a harangué sa majesté, et lui a témoigné la joie générale de la province et ses justes ressentimens du bonheur de sa visite, auquel le roi a répliqué la satisfaction qu’il avait de voir ses sujets dans une prompte soumission à ses volontés, et assuré la compagnie qu’il s’en souviendrait aux occasions[1]. »

La réponse habile de l’évêque de Saint-Brieuc au duc de La Meilleraye valut à la province une remise d’un million sur le don de bienvenue primitivement réclamé ; déférer au roi le soin d’en fixer lui-même la quotité, c’était en effet le contraindre à la réduire. Aussi le procès-verbal porte-t-il sommairement, à la date du 2 septembre, que « Mgr de Saint-Brieuc annonce à l’assemblée l’intention où est sa majesté de se contenter de 3 millions. » Ce chiffre fut voté sans observation, et le 5 septembre M. de La Meilleraye entra dans l’assemblée pour la remercier de son empressement à déférer aux volontés royales. « M. le maréchal a dit que le roi était tout à fait obligé aux états de ce qu’ils lui avaient accordé 3 millions, qu’il destinait cette somme à ses bâtimens, et qu’en reconnaissance sa majesté en ferait faire marque sur lesdits bâtimens[2]. »

La présence du roi en Bretagne pendant la tenue des états exerça pour l’avenir une action des plus funestes sur leur liberté. L’enthousiasme avec lequel l’assemblée avait accordé le don gratuit avant toute autre délibération constitua un précédent dont on ne tarda pas à abuser contre elle. Nous verrons le duc de Chaulnes réclamer bientôt comme un droit acquis ce vote préalable, et plus tard le maréchal de Montesquiou dissoudre les états pour avoir décidé qu’un débat sur le rapport des commissaires précéderait la fixation du don gratuit[3].

  1. Registres des états de Nantes, 1er septembre 1661.
  2. Aucune allusion ne se rencontre dans les registres au grand événement accompli durant la tenue des états de 1661. On y trouve seulement indiquée à la date du 2 septembre la nomination d’une commission de six membres chargée de la part des états il d’aller saluer M. le surintendant, ainsi que MM. de Lyonne, Letellier et de Brienne. » On sait que Fouquet fut arrêté par d’Artagnan le 5 au matin, en sortant du conseil tenu chez le roi.
  3. « Autrefois, avant de délibérer sur le don gratuit, on examinait les infractions aux précédens contrats ou on portait les plaintes à MM. les commissaires du roi. On négociait longtemps sur la somme à laquelle on porterait le don gratuit, mais l’usage est présentement de l’accorder après que MM. les commissaires sont sortis. » Mémoires de M. Nointel, intendant de Bretagne, dans l’État de la France du comte de Boulainvilliers, t. IV.