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foi et à l’honneur de ses fidèles Bretons. Les trois ordres, pénétrés de reconnaissance pour l’intervention de la reine dans le différend si honorablement terminé, interrompirent par de fréquentes acclamations le long message dans lequel cette princesse suppliait la noblesse de ne répandre désormais son sang généreux que contre les ennemis de la France, la conviant à donner un exemple qui, venu d’aussi haut, serait au-dessus de la calomnie.

Le duc de La Trémouille, président de la noblesse, appuya la missive royale par un discours chaleureux. Sous l’impression de sa parole, tous les gentilshommes la main droite levée, l’autre sur la garde de leur épée, jurèrent que les édits du roi seraient religieusement obéis, et qu’ils se montreraient dignes de la confiance de leur gouvernante. Une délibération fut rédigée séance tenante, par laquelle il fut décidé « qu’à l’avenir nul gentilhomme ne pourrait être admis à siéger aux états de Bretagne qu’il n’eût signé la protestation contre les duels telle qu’elle avait été approuvée par les maréchaux de France, voulant que, s’il contrevenait à sa parole d’honneur donnée au roi, il en fût chassé comme indigne[1]. »

A chaque moment, dans les délibérations des états, se révèlent ces élans d’esprit chevaleresque qui vont au cœur parce qu’ils en sortent. La session qui nous occupe vit, par exemple, un vote de 20,000 livres pour Henriette d’Angleterre, « fille de France, méchamment persécutée par ses sujets. » Des secours abondans avaient été précédemment octroyés aux pauvres Irlandais proscrits pour fidélité à leur religion, et des allocations plusieurs fois réitérées avaient naguère fait sortir du bagne d’Alger tous les captifs bretons. Souvent des secours furent accordés pour des fondations pieuses, églises, écoles, hôpitaux. Les jésuites reçurent de larges subventions pour les aider à créer l’école militaire de La Flèche, sous la condition d’y admettre comme pensionnaires des états cinquante jeunes gentilshommes bretons. Parfois les fonds étaient dépensas en dehors de la province pour un intérêt national, et l’église de Saint-Yves-des-Bretons sortait à Rome de ses ruines, dans les premières années du XVIIe siècle, par l’assistance généreuse des états. Nous voyons encore ceux-ci se mettre sous le patronage de saint Joseph à l’occasion de l’érection à Fougères de la première église placée sous le vocable de ce saint. Pour que la couleur locale soit complète, nous relevons dans les procès-verbaux de 1665 renonciation suivante : « Les états, après en avoir délibéré, font une pension de 400 livres au chevalier de Saint-Hubert, qui dit avoir l’honneur de descendre de saint Hubert et avoir le pouvoir de guérir de la

  1. Cette résolution, prise le 16 juillet 1655, est signée : Henri de La Motte Houdancourt, évêque de Rennes, Henri de La Trémouille, Eustache de Lys.