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reconnaître les droits du baron de Vitré, il lui arrivait une nouvelle foudroyante. Ce vieil ami du gouvernement de la régente, qui avait servi cette princesse avec un dévouement égal dans ses conseils et sur le champ de bataille, apprenait que le prince, de Tarente, fils du duc de La Trémouille, pour lequel il s’était tant compromis, venait de se rendre à Bordeaux afin de mettre son épée au service de l’insurrection. Une lettre du marquis de La Moussaye la duchesse de La Trémouille, écrite la veille de l’ouverture des états, expose l’impression du maréchal et de toute la noblesse bretonne au premier bruit de cet étrange incident. À ce titre, elle a trop d’importance pour que je ne la mette pas tout entière sous les yeux de mes lecteurs.

« Madame, j’ai cru que le moyen le plus sûr d’apprendre de vos nouvelles était de vous envoyer exprès une personne qui fît diligence. Je l’ai recommandée à ce page et ai une impatience extrême d’avoir quelque certitude des bruits qui courent, me promettant, madame, que vous me ferez l’honneur de me mander s’il est bien vrai que M. le prince de Tarente soit parti pour rejoindre les mécontens, comme quelques lettres écrites du Poitou à M. de La Meilleraye l’assurent. Cela paraît fort surprenant à toute la noblesse qui est ici. On me demande ce qui en est ; je n’en puis rendre de raison, et je vous avoue que j’ai bien de l’impatience de savoir la vérité, et ce que vous voulez que l’on dise sur cette matière. M. le maréchal de La Meilleraye est fort troublé de ces bruits. Il dit qu’il n’a pas eu crainte, pour servir les intérêts de M. votre mari et de M. votre fils, de s’attirer la haine du parlement, qu’il lui eût été facile d’éviter, s’il eût voulu prêter l’oreille à s’accommoder avec M. de Rohan, qui lui offrait carte blanche. Il dit qu’il n’a point de regret aux ennemis qu’il s’est faits en votre considération, et qu’après tout cela il pourrait arriver que vous l’abandonneriez. Je ne lui ai pu dire autre chose, sinon que je ne croyais pas ces nouvelles véritables, et qu’il vous avait obligés de si bonne grâce et avec tant de chaleur que vous ne pouviez manquer de témoigner dans ses intérêts la même passion qu’il avait montrée dans les vôtres.

« La Bretagne, madame, est aujourd’hui divisée en deux puissants partis que votre procès avec M. de Rohan a formés. Votre parti a été appuyé de M. le maréchal de La Meilleraye, lequel sera appuyé des états et de toutes les personnes de qualité qui sont ici, comme de M. de Vendôme, M. le duc de Retz, le marquis de Coëtquen, le marquis d’Assérac, et nombre de personnes qui arrivent tous lies jours ici du Poitou et du Maine. De l’autre parti, M. de Rohan est le chef qui sera soutenu par le parlement, lequel, comme vous savez, n’a pas peu de crédit en Bretagne ; mais tous les amis de M. le maréchal et tous ceux qui sont entrés dans le parti que