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détournée, durant la minorité de Louis XIV, de l’obéissance au gouvernement de la régente, le cardinal Mazarin ne lui était pas moins antipathique qu’aux autres parlemens du royaume. Avant même que les embarras eussent grossi au point de laisser craindre une révolution, la cour de Rennes avait protesté par des refus réitérés d’enregistrement contre les nombreux édits bursaux du surintendant, et diverses mesures émanées de l’autorité royale qui n’avaient rencontré au sein des états aucune opposition avaient suscité chez les magistrats des résistances très vives. Nous, en rapporterons un seul exemple. Mazarin, qui ne renonçait jamais sans regret à suivre les traces de Richelieu, avait cru possible de faire accepter enfin un intendant à la Bretagne en attribuant ces fonctions à un membre respecté de la magistrature provinciale. Au commencement de 1647, il nomma en cette qualité M. Louis de Coëtlogon, sieur de Méjusseaume, conseiller au parlement ; mais loin que ce titre profitât à M. de Méjusseaume, il devint pour lui un obstacle insurmontable. la compagnie lui défendis sous peine d’interdiction, d’exercer les fonctions dont il avait été investi, faisant également défense à tous les sujets du roi de le reconnaître, et bientôt un nouvel arrêt vint ordonner au magistrat fourvoyé de reprendre à l’instant son siège au sein du parlement, s’il ne voulait s’en voir exclu pour toujours. M. de Méjusseaume, ainsi placé au pied du mur, comprit qu’il n’avait rien de mieux à faire que de s’accommoder avec ses collègues. Il renvoya donc sa lettre de nomination, et l’autorité royale reçut à Rennes un échec éclatant, sur lequel Mazarin ferma les yeux, ce qui lui coûtait moins qu’à tout autre. Cette nomination, notifiée aux états assemblés à Nantes, y produisit un effet beaucoup moins vif qu’au parlement, et, lorsqu’on songe à la violence avec laquelle avait été accueillie, quelques années auparavant, une tentative semblable faite par le cardinal de Richelieu, on a quelque peine à s’expliquer une pareille modération ; mais elle cesse d’étonner en présence de la lutte alors engagée entre le parlement et les états, lutte passionnée dont bénéficia un moment l’impopularité même de Mazarin. Jalouse de la représentation nationale tout autant qu’elle l’était de l’autorité du souverain, la magistrature, profitant de la faveur passagère que lui avait ménagée le cours des événemens, tendait à dominer le pouvoir législatif aux états tout aussi bien qu’à la cour. Elle comptait transformer en veto politique le droit d’enregistrement, abusant de la loyauté avec laquelle l’assemblée des états s’était toujours empressée de le lui maintenir dans l’unique intention de revêtir d’un caractère d’authenticité les actes de l’autorité publique.

L’antagonisme des états et du parlement de Bretagne prit tout à coup un caractère encore plus passionné par l’effet d’une