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impériales et sérénissimes les princes de Lucques et Piombino. Aucun des évêques d’Italie ne sera obligé d’aller à Rome pour se faire consacrer.

« Il sera immédiatement négocié et conclu à Paris un concordat entre sa majesté et le saint-siège pour tous les états d’Allemagne compris dans la confédération du Rhin. »


Il semble qu’en présentant ce projet de traité au cardinal de Bayanne, M. de Champagny ait eu la crainte d’y voir souscrire la cour de Rome, car il avait pris la précaution d’ajouter qu’aux conditions indiquées dont l’acceptation devait être immédiatement promise, il se réservait d’en ajouter au besoin de nouvelles. En effet, vingt-quatre heures après, revenant de Fontainebleau, où il avait été prendre les ordres de l’empereur, le ministre des relations extérieures annonçait au cardinal de Bayanne qu’il y aurait une clause à introduire dans le traité relativement aux fortifications d’Ancône et au curage du port, qui devaient être mis à la charge du trésor pontifical. Les articles que le cardinal Fesch avait à grande peine réussi à faire écarter du projet étaient les suivans :


« 1° Le saint-siège s’oblige à ne faire aucune protestation contre les libertés de l’église gallicane, à n’y porter aucun préjudice, et ne faire aucun acte public ni secret qui leur soit contraire ; 2° le saint-siège s’oblige à ne faire ni permettre aucun acte renfermant des clauses positives ou de réserves qui puissent alarmer les consciences et répandre quelques divisions dans les états de sa majesté. »


Ces derniers articles avaient été retirés, mais M. de Champagny ne pouvait pas promettre qu’ils ne fussent reproduits de nouveau, surtout si à Rome on mettait du retard ou de l’hésitation dans l’acceptation des articles précédemment communiqués.

Jamais pareille chose ne s’était vue en diplomatie. Ainsi que le fait observer avec raison le cardinal Pacca dans ses mémoires, « dans toute négociation d’un projet d’accommodement, les articles primitifs sont toujours modifiés par esprit de conciliation. On adoucit ou l’on supprime ce qu’ils ont de trop dur, de trop exigeant, et le rapprochement s’opère peu à peu dans les paroles et dans les faits. Dans le projet de traité soumis au saint-siège, il y avait au contraire progression d’exigences, et aux premières prétentions, déjà intolérables, on en ajoutait d’autres qui étaient pires[1]. » A la réception de ce projet si différent de ce qu’il attendait, le saint-père ne témoigna point d’hésitation. Comment en aurait-il éprouvé aucune ? Non-seulement les articles proposés dépouillaient le saint-père de sa puissance temporelle, et faisaient du pape, suivant

  1. Mémoires du cardinal Pacca, t. Ier, p. 51.