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hautement et itérativement déclaré que la question pendante est une de ces questions de conscience et de foi où la religion elle-même est directement intéressée, et sur laquelle il ne lui est point permis de transiger, puis s’il arrive que tout à coup il se ravise et découvre à l’improviste des tempéramens qui ne lui étaient pas d’abord apparus, il en résulté un trouble profond qui jette les esprits et les choses dans la plus inextricable confusion.

Dans les premiers jours d’octobre 1807, le pape avait fait une immense concession. Assuré nombre de fois par M. Alquier « qu’il ne fallait pas attacher une importance exagérée aux paroles que l’empereur avait, dans un mouvement d’impatience, adressées au légat, et que dans les instructions officielles qu’il avait reçues de sa cour il n’était nullement question d’obliger sa sainteté à se liguer contre tous les ennemis de l’empereur, mais seulement contre les hérétiques et les Anglais, » Pie VII s’était décidé « à faire un pas de plus et à aller, disait-il, aussi loin que possible. » Il avait donc autorisé le cardinal de Bayanne à se concerter et à stipuler à Paris sur des articles conçus dans le sens qu’avait indiqué M. Alquier. Plus tard, par une dépêche en daté du 14 octobre 1807, le cardinal Casoni avait pris grand soin d’expliquer au cardinal de Bayanne ce que signifiait au juste l’autorisation de se concerter. « Le saint-père m’a ordonné de vous faire savoir (si par hasard je ne m’étais pas bien expliqué dans la lettre du 12) que le mot concerter veut dire que votre éminence doit bien connaître et bien expliquer les termes et l’étendue des obligations dont on doit se charger. Il dépend par conséquent de la dextérité, du zèle et de l’activité de votre éminence et du légat de faire en sorte que les engagemens pris ne soient pas en opposition avec les intentions de sa sainteté. Les dernières demandes de sa majesté impériale se sont bornées, quant aux Anglais, à la fermeture des ports. Le saint-père a tout lieu de croire que son adhésion doit se borner à cette fermeture ; mais s’il fallait quelque chose de plus, il y consentira, pourvu que cela ne l’oblige pas à une guerre actuelle, et que cela ne lèse pas l’indépendance de sa souveraineté pontificale. Il convient donc que votre éminence et le cardinal-légat, auquel cette dépêche est commune soient sur leurs gardes pour concerter l’explication et la valeur de ces paroles, afin de satisfaire sa majesté impériale, comme le saint-père le désire, mais en même temps de ne pas imposer à sa sainteté une obligation opposée à ses devoirs et à son honneur[1]. »

Il n’y avait peut-être rien dans la concession faite par Pie VII qui ne fût raisonnable ; il n’y avait certainement rien qui fût contraire à l’honneur du prince temporel. L’on peut supposer que les

  1. Lettre du cardinal Casoni au cardinal de Bayanne, 14 septembre 1807.