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des objections contre le choix du cardinal Litta pour négociateur, le pape y avait renoncé. Napoléon ayant témoigné la volonté de n’accepter que le cardinal de Bayanne, le pape avait désigné le cardinal de Bayanne, sujet français, le seul parmi les membres du sacré-collège qui avait toujours été d’avis de donner complète satisfaction à l’empereur. Certes la prétention était inouïe de la part de Napoléon de vouloir imposer à un souverain étranger la personne à laquelle il devait, à l’exclusion de tout autre, confier le soin de traiter de ses intérêts ; c’était mettre le comble à cette exigence de vouloir que le négociateur romain fût Français, et par conséquent dépendant de lui, comme l’était déjà le légat Caprara en sa qualité d’évêque de Milan. N’importe, le pape avait, somme toute, confiance dans l’honnêteté bien connue du respectable cardinal de Bayanne, fort dévoué à l’empereur, très porté à toute espèce de condescendance envers lui, mais incapable d’enfreindre les instructions qui lui seraient données. Aucune concession à laquelle sa conscience pût consentir ne coûtait maintenant à Pie VII, si elle lui semblait propre à conduire à une heureuse entente. Non-seulement il céda sur le choix du négociateur, mais il se hâta de faire partir le cardinal de Bayanne de Rome avec les pouvoirs les plus étendus.

Comment l’empereur allait-il reconnaître tous les concilians procédés du saint-père ? Si l’on ne savait à quel point son parti était arrêté, et qu’à tout prix il voulait rompre afin de s’emparer des états du saint-siège, la surprise serait vraiment extrême en voyant l’attitude prise en ce moment par le chef du gouvernement français. Évidemment Napoléon avait espéré que le pape refuserait, de négocier par l’intermédiaire du cardinal Caprara. Il avait écrit le 7 septembre au prince Eugène : « Vous savez que je n’ai pas admis le cardinal Litta ; nous verrons le parti que prendront actuellement ces prêtres[1]. » Le pape avait tout simplement pris le parti d’envoyer le cardinal de Bayanne, et d’écrire la lettre parfaitement modérée, amicale et même tendre que nous venons de citer. Par sa douceur naturelle, par sa bonne foi, par une simplicité de cœur que Napoléon n’avait pas fait entrer dans ses calculs, le saint-père se trouvait avoir déjoué sans le savoir tous les plans de son adversaire beaucoup mieux que n’aurait pu faire le plus consommé politique. Que résoudre ? quelle réponse faire à la lettre affectueuse de Pie VII, à cette aimable invitation de venir à Rome et de s’établir au Vatican ? Cela était assez embarrassant ; Napoléon prit le parti de ne pas répondre. Nous nous trompons, il répondit en envoyant ordre au vice-roi de faire prendre possession par le général Lemarrois d’Ancône, du duché d’Urbin, de la province de

  1. Lettre de l’empereur au vice-roi d’Italie, 7 septembre 1807. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XVI, p. 16.