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mieux aimé la livrer aux protestans que de s’adresser aux évêques. Ils tourmentent par une funeste administration les peuples infortunés des états romains… La fausse politique du saint-siège lui a déjà fait perdre trois provinces. Sa majesté est loin de vouloir lui en enlever encore trois autres ; mais la sûreté de ses états l’exigerait, si le saint-siège persistait dans cet état d’irritation et d’animosité[1]. »

À ce reproche d’irritation et d’animosité, voici quelle réponse faisait le saint-père. Il écrivait directement à l’empereur, qui le faisait injurier par le vice-roi d’Italie et par son ministre, mais qui gardait avec lui depuis deux ans un silence obstiné, la lettre qu’on va lire :


« Quoique votre majesté ait laissé sans réponse quelques-unes de nos lettres, néanmoins nous entreprenons de lui écrire encore une fois. Nous n’avons pu apprendre sans peine par notre cardinal-légat que votre majesté croit que notre cœur lui est aliéné, et que nous nous opposons par la seule envie de la contrarier à ce qu’elle désire de nous. Majesté, Dieu nous est témoin, il sait que nous ne mentons pas. Ce n’est pas l’envie de la contredire, c’est le sentiment de nos devoirs qui nous a forcé de nous refuser à quelques-unes de ses demandes ; rien ne nous serait plus agréable que de seconder ses vœux de tout notre pouvoir… Le bruit s’est répandu que votre majesté pensait venir dans ce pays. Ainsi à la satisfaction que nous éprouvons par l’arrangement tant désiré se joindrait encore celle de revoir votre majesté. Dans ce cas, nous ne céderons à personne l’honneur de recevoir un hôte aussi illustre ; notre droit à cette préférence ne saurait être contesté. Le palais du Vatican, que nous ferons arranger pour le mieux, sera destiné à recevoir sa majesté et sa suite. Toutes les affaires ayant été conciliées à Paris, nous pourrons, à Rome, travailler à faire jouir la religion catholique, dont votre majesté doit être le défenseur, de tous les biens qu’elle lui a promis. Qu’en attendant votre majesté soit persuadée de notre affection constante, en gage de laquelle nous lui donnons avec toute l’effusion de notre cœur la bénédiction apostolique[2]. »


Qui ne croirait en lisant cette lettre du saint-père, toute pleine d’espoir, empreinte de ce l’on d’affectueuse tendresse envers Napoléon, qui était presque celui des jours heureux du concordat et du sacre, que la querelle allait enfin s’apaiser, et que les choses étaient à la veille de s’arranger à la satisfaction des deux parties. Pie VII ne s’était point borné d’ailleurs à manifester les plus conciliantes intentions, il avait joint les actes aux paroles. Napoléon ayant élevé

  1. Note de M. de Champagny, adressée le 21 août 1807 au cardinal Caprara.
  2. Lettre du pape, adressée le 11 septembre à l’empereur des Français Napoléon Ier.