Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/628

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peau ; mais enfin elles l’irritent… Les peuples de Rome sont malheureux ; c’est l’ouvrage des conseillers de votre sainteté. L’église souffre ; c’est la faute du souverain pontife, qui ne veut point nommer d’évêques sous de vains prétextes de prérogative… Au reste, c’est la dernière fois que j’ai l’autorisation d’écrire à votre sainteté. Elle n’entendra plus parler de mon souverain ni de moi. Qu’elle nomme ou non des évêques, elle en est la maîtresse ; si ensuite quelqu’un se permet de prêcher le trouble et l’insurrection, il en sera puni par la justice des lois, dont le pouvoir émane aussi de la Divinité. »

« Vous enverrez cette lettre au pape, disait Napoléon en terminant, et vous me préviendrez quand M. Alquier l’aura remise. Je pars pour Paris ; envoyez-y vos lettres[1]. »


III

Quand l’empereur écrivait et faisait écrire de pareilles choses, évidemment le temps des violences était proche. Il n’est point douteux qu’il ne brûlât d’impatience de s’emparer du restant des états du saint-père. Cela résulte d’un passage d’une autre lettre, écrite à la même date, qui n’était certainement point destinée à être mise sous les yeux de Pie VII. « Je ne sais quel coup de tête vous voulez que fasse le pape. Vous avez dû mettre des troupes du côté de Bologne, et, s’il faisait quelque imprudence, ce serait une belle occasion de lui ôter ses états de Rome[2]. » Pie VII ne méditait aucun coup de tête, et l’embarras était précisément qu’il n’en voulait point faire et qu’il redoublait de douceur. A la lettre injurieuse du prince Eugène qui renfermait la lettre plus injurieuse encore de l’empereur, le saint-père avait répondu avec une fermeté tranquille, pleine de tristesse, mais surtout exempte de colère. « Nous ne devions certainement pas nous attendre à ce qu’un souverain catholique attaquerait en notre personne le chef de la religion par des expressions dont aucun de nos prédécesseurs n’a jamais été exposé à souffrir l’humiliation Dans l’exécution de nos devoirs, nous sommes dirigé par la modération et par la mansuétude et non par le ressentiment et par l’orgueil. Notre dignité, aussi bien que la défense faite à votre altesse impériale de continuer cette correspondance avec nous, nous interdisent de discuter dans cette réponse des propositions qui nous font horreur, mais qui n’ont pas besoin d’être réfutées, puisqu’elles l’ont été tant de fois victorieusement… Votre altesse impériale et l’ambassadeur de France nous proposent

  1. Lettre de l’empereur au prince Eugène. Dresde, 22 juillet 1807. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XV, p. 441.
  2. Lettre de l’empereur au prince Eugène, Saint-Cloud, 4 août 1807. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XV, p. 475.