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me change, et que cela est non-seulement maladroit, mais aussi contraire au bien de la religion… Laissez à Ancône le général ***, (un général français dont le pape s’était plaint comme lui ayant manqué d’égards) ; les prêtres ne sont jamais contens de personne[1]. »

Conformément aux ordres expédiés d’Allemagne, le prince Eugène écrivit au saint-père une longue lettre où il eut soin de reproduire textuellement les paroles de Napoléon ; nous avons lieu de supposer que le surplus du contenu de cette dépêche était emprunté à la missive que Napoléon avait d’abord eu l’idée d’adresser à Rome, puis à laquelle il avait ensuite renoncé[2]. Quoi qu’il en soit, la communication du vice-roi d’Italie, empreinte de douceur, de gravité et de mesure, parut faire une certaine impression sur Pie VII, car il y répondit lui-même avec abondance et détails, donnant les raisons très réfléchies du parti auquel il s’était arrêté, expliquant qu’il y avait été contraint bien malgré lui par le mépris qu’on avait fait depuis si longtemps de ses incessantes réclamations, rappelant qu’il avait averti à l’avance l’empereur que sa conscience l’obligerait un jour, si l’on dédaignait toutes ses instances, à recourir à une si pénible extrémité, qui lui avait beaucoup coûté. Il était bien loin d’avoir pour le bien des âmes cette indifférence qu’on lui reprochait d’une façon aussi cruelle qu’imméritée. « D’ailleurs, ajoutait-il, comme s’il sentait lui-même qu’il avait mis un peu de précipitation dans la résolution annoncée au ministre du culte en Italie, si nos devoirs ne nous permettent pas de pourvoir les églises vacantes en exécution de l’article il du concordat, pendant que les autres articles ne sont pas exécutés et sont même violés, ils ne nous empêchent pourtant pas d’assigner à ces églises les mêmes pasteurs que sa majesté a choisis. Nous nous sommes en conséquence déterminé à leur conférer l’institution canonique aussitôt que, par le moyen de la procédure accoutumée, nous nous serons assuré qu’ils sont munis des qualités requises par les règles de l’église[3]. »

Ainsi, grâce à la concession du saint-père, toutes les difficultés relatives à l’institution canonique des évêques italiens étaient, sinon théoriquement résolues, du moins pratiquement arrangées, et Pie VII avait tout lieu de se flatter que cette retraite, doucement ménagée, lui procurerait au moins quelques instans de répit. Il n’en obtint aucun. Ce n’est pas que rien fût survenu soit en France soit en Italie, ce n’est pas que l’empereur eût quelque grief nouveau à faire

  1. Lettre de l’empereur au prince Eugène, 12 avril 1807. — Correspondance de Napoléon, t. XV, p. 63.
  2. Lettre du prince Eugène, vice-roi d’Italie, au pape (citée dans les Mémoires et Correspondance du prince Eugène, publiés par M. Du Casse, t. III, p. 344).
  3. Lettre de Pie VII au vice-roi d’Italie, 5 juillet 1807.