Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/621

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que l’empereur avait eue à Berlin avec Mgr Arezzo, incidens dont il nous faut rendre compte, car ils avaient encore ajouté à l’irritation de Napoléon contre le saint-siège. D’abord la mission de l’évêque de Séleucie auprès du saint-père avait, ainsi qu’il était facile de le prévoir, complètement échoué. Arrivé à Rome vers la fin de décembre 1806, Mgr Arezzo n’avait pas réussi à persuader Pie VII ; on peut même supposer d’après sa lettre à M. de Talleyrand que, tout en rapportant très consciencieusement, comme il l’assure, les paroles prononcées par l’empereur, Mgr Arezzo n’avait fait aucun effort bien sérieux pour détourner le pape de persévérer dans une ligne de conduite qu’en sa qualité de prélat romain il approuvait certainement au fond du cœur. « Sa sainteté a vu avec une peine égale à sa surprise, écrivait Mgr Arezzo au ministre des relations extérieures, que sa majesté ait pu penser qu’en renouvelant les mêmes demandes on pût obtenir une réponse différente. Comme les mêmes raisons subsistent, résultant des devoirs, du caractère et de la nature de son ministère, raisons qui ne peuvent elles-mêmes jamais changer, le saint-père se trouve dans la nécessité de répéter à sa majesté qu’il est dans l’impossibilité d’accéder à son désir[1]. »

Au désagrément de ce nouveau refus succédèrent d’autres difficultés avec la cour de Rome, difficultés d’une nature purement spirituelle, regardant uniquement le royaume d’Italie, mais qui n’en causèrent pas moins le plus vif déplaisir à Napoléon. Plusieurs sièges épiscopaux étaient venus à vaquer dans le duché de Milan et dans les provinces vénitiennes. En vertu de l’article 4 du concordat conclu le 16 septembre 1803 entre le pape et la république italienne, le chef de cette république, qui n’était autre alors que le premier consul, était autorisé à nommer, comme en France, tous les archevêques et évêques, et le saint-père s’était par le même article engagé à donner l’institution canonique aux sujets nommés, si d’ailleurs ils avaient les qualités requises par les canons de l’église romaine. Un décret du 30 mars 1806 ayant réuni au royaume d’Italie les ci-devans états de Venise, que la maison d’Autriche avait perdus par le traité de Presbourg, Napoléon soutenait, non sans apparence de raison, quoique la thèse contraire pût aussi se défendre, que les clauses du concordat conclu pour les provinces italiennes étaient également applicables aux contrées qui leur avaient été récemment annexées. Il avait donc nommé et proposé à l’institution canonique du saint-père un certain nombre d’ecclésiastiques italiens qui devaient remplir les sièges vacans. La présentation avait été faite en bloc le 13 septembre par une lettre du ministre du culte en Italie, M. Rovera, adressée au cardinal secrétaire d’état

  1. Lettre de Mgr Arezzo, évêque de Séleucie, à M. de Talleyrand, premiers jours de 1806.