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se brouille. Je ne paierai plus rien. Que le pape fasse ce que je veux, et il sera payé pour le passé et pour le futur[1]. »


Mgr Arezzo ayant objecté qu’à cause de son âge il ne pouvait voyager si vite, et que les délais accordés étaient bien courts : — Eh bien ! je vous donne jusqu’en février, répliqua l’empereur ; mais que tout soit fini pour février. Mgr Arezzo, qui n’avait point manqué de présence d’esprit pendant ce long entretien, demanda aussi à Napoléon où il faudrait envoyer le négociateur du pape, à Berlin, Varsovie ou à Saint-Pétersbourg ; « l’empereur va si vite ! » Napoléon sourit et répondit : « Non, à Paris. Que le pape délègue pour cette affaire son légat ; c’est un brave homme, ou bien le cardinal Spina ou tout autre. Cela m’est égal. »


II

Toutes choses se passèrent en effet, ou peu s’en fallut, ainsi que Napoléon venait de l’annoncer à Mgr Arezzo. Il s’était seulement trompé en fixant comme dernier délai au 1er février 1807 la date où le négociateur du saint-siège devait être rendu à Paris. La résistance de l’empereur de Russie avait été plus longue et plus difficile à vaincre que Napoléon ne se l’était figuré. Les Polonais, avec lesquels il n’avait pas voulu s’engager positivement pour la reconstruction du royaume de Pologne, parce qu’à l’avance il était déjà résolu à les sacrifier, si cela devenait plus tard utile à sa politique, ne lui avaient pas prêté toute l’assistance sur laquelle il avait compté. Les troupes russes, combattant presque sur leur propre terrain, sous un climat dont elles avaient l’habitude, s’étaient trouvées beaucoup plus solides que dans la campagne précédente. Il avait fallu attendre après Eylau le retour du printemps, qui est tardif en ces contrées, pour reprendre l’offensive. La bataille décisive de Friedland avait été livrée le 14 juin. La moitié de l’année 1807 était donc déjà écoulée lorsqu’après son entrevue avec Alexandre sur le radeau du Niémen, après la signature du traité de Tilsitt, Napoléon, arrivé à l’apogée de sa gloire militaire, entouré à Dresde d’un cortège d’empereurs, de rois et de princes relevant de son empire, devenu en réalité, non plus seulement pour les évêques de France et pour les flatteurs de sa cour, mais pour le continent européen tout entier, un second Charlemagne, put enfin fixer de nouveau sa pensée sur les affaires de Rome.

Quelques incidens avaient cependant surgi depuis la conversation

  1. Relazione del mio abbocamento col imperatore Napoleone, 12 novembre 1806 (trouvé dans les papiers du pape au Quirinal).