Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/617

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

décoration la plaque de la Légion d’honneur, ce qui faisait, remarque Mgr Arezzo, un bizarre et remarquable contraste avec les grands cordons de toutes les couleurs et les riches uniformes que portaient tant de ministres, de généraux et de personnages de toute sorte qui remplissaient les vastes salles de cet immense palais.


« A peine la porte était-elle fermée : — Eh ! monseigneur Arezzo, de quel pays êtes-vous ? — Ma famille est sicilienne, répondit l’évêque de Séleucie ; mais je suis ne à Naples, et dès l’âge de huit ans j’ai été élevé et j’ai vécu à Rome. — Que faites-vous à Dresde ? — Votre majesté sait que je suis parti de Saint-Pétersbourg après la malheureuse affaire de Vernègues, et comme la cour de Russie, en retirant son ambassadeur de Rome, lui avait ordonné de s’arrêter à Venise, de même sa sainteté a voulu que je demeurasse à Dresde pour être à portée de retourner en Russie sitôt qu’on pourrait reprendre les relations interrompues. Peu de mois après la guerre éclata, et j’ai reçu ordre du saint-père de prolonger encore mon séjour à Dresde, mais de ne tenter aucune démarche pour le rétablissement des relations avec la Russie aussi longtemps que la bonne harmonie entre cette puissance et la France ne serait pas rétablie. Dans ces derniers temps, on avait pu espérer que cette bonne harmonie allait renaître, malheureusement nous avons été trompés dans nos espérances. — Le pape n’a rien à faire avec la Russie. — Votre majesté n’ignore point qu’il y a plus de quatre millions de catholiques en Russie, et c’est pour cela que le pape y entretient un ministre. — N’y a-t-il point d’évêques en Russie ? quel besoin d’y avoir un nonce ? — Des évêques, il y en a partout, il y en a aussi en France ; mais les évêques ont besoin, dans beaucoup de cas, de recourir au chef de l’église universelle. — Bref, il est temps d’en finir. Le pape ne doit pas avoir de ministre à Saint-Pétersbourg. Les grecs ont toujours été les ennemis de Rome, et je ne sais par quel esprit de vertige Rome veut plus de bien à ses ennemis qu’à ses amis. Vous allez quitter Dresde et vous rendre à Rome. Croyez-vous que je ne sache pas que vous êtes mon ennemi ? Croyez-vous que j’ignore ce que vous avez écrit et ce que vous écrivez encore ? J’ai en main vos dépêches ; les chiffres de Rome sont connus. Où les avez-vous mis en quittant Dresde ? Vous les avez peut-être brûlés ? — Votre majesté me pardonnera, je n’ai jamais rien mis dans mes lettres dont j’aie à rougir. Loin d’être l’ennemi de sa majesté, je me suis employé dans une affaire qui tendait certainement à sa satisfaction. Je servirais bien mal mon souverain, si j’avais à l’égard de votre majesté des sentimens différens des siens. — Mais puisque j’ai vos chiffres en main, puisque je les connais, puisque je puis vous montrer vos dépêches ! — Eh bien ! alors je désire que votre majesté ait la bonté de me dire où et quand j’ai osé dire du mal de sa personne, ou avancé quelque chose qui soit de nature à