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de Paris par le cardinal Spina pour le supplier de ne point persévérer dans une ligne de conduite qui pouvait attirer sur l’église romaine d’irréparables calamités[1]. Bien qu’il sût à quoi s’en tenir sur le manque de fermeté de son légat, les objurgations incessantes dont Caprara remplissait ses dépêches, tant pour son propre compte qu’au nom, disait-il, des plus décidés catholiques de France, ne pouvaient pas manquer de faire impression sur le saint-père. Déjà il avait fait répondre au cardinal Spina par Casoni[2] ; mais au moment de prendre un parti décisif et qui pouvait avoir de si terribles conséquences, Pie VII crut nécessaire de se recueillir une dernière fois et d’assumer sur lui-même devant Dieu et devant les hommes, par un document signé de sa propre main, la responsabilité des événemens, quels qu’ils fussent, qui pourraient résulter de sa résistance à la volonté du plus puissant des hommes. Dans cette pièce, émanée de sa seule initiative, Pie VII rendait si bien les véritables sentimens dont il était alors animé, que nous ne saurions mieux faire que de la mettre, en grande partie du moins, sous les yeux de nos lecteurs.


« Nous nous sommes vivement recommandé à ce Dieu, dont nous sommes, bien qu’indigne, le vicaire sur la terre, et à l’apôtre saint Pierre, dont nous sommes le successeur, afin d’obtenir les lumières dont nous avons besoin pour la réponse que vous nous demandez. La voici cette réponse, et nous la faisons nous-même, de notre propre main, pour vous donner une nouvelle preuve de l’importance que nous mettons dans des affaires si graves, et vous convaincre davantage combien sont sincères et profonds les sentimens qui nous animent, et que nous sommes dans la nécessité de vous faire connaître. Les raisons pour lesquelles nous nous sommes refusé à faire la déclaration qu’on nous demande sont trop solides, trop justes et trop puissantes pour qu’il nous soit possible de changer de sentiment. Elles sont fondées, non pas, comme on le suppose, sur des considérations humaines, mais sur les devoirs les plus essentiels que nous imposent et notre qualité de père commun des fidèles et la nature de notre ministère pacifique. Qu’il soit bien vrai, comme vous l’a dit sa majesté, que les Anglais ne croiront jamais que Rome se soit perdue pour eux, et qu’ils ne lui en sauront jamais aucun gré, ce n’est pas ce que nous devons considérer. Nous n’avons consulté que nos devoirs, lesquels nous imposent l’obligation de ne causer aucun dommage à la religion par l’interruption des communications entre le chef et les membres de l’église, partout où il existe des catholiques, et cette interruption, nous la provoquerions nous-même en exerçant des

  1. Lettre du cardinal Spina au saint-père, juin 1806.
  2. Lettre du cardinal Casoni au cardinal Spina.