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considèrent comme l’équivalent de la loi le simple usage lors même qu’il est contraire aux stipulations consignées sur le parchemin des statuts. Rien de plus essentiel dans le mécanisme politique de l’Angleterre que la publicité des débats du parlement. Supprimez cette publicité, et le gouvernement parlementaire s’éclipse à l’instant, le contrôle du pays disparaît par cela même, et on touchera bien vite au gouvernement du conseil des dix. Eh bien ! en Angleterre, aucune loi ne garantit la présence du public dans le parlement, et, les journaux étant une partie du public, aucun texte n’assure et même n’autorise leur présence à l’une ou l’autre chambre. Bien plus, la loi ou les règlemens qui en tiennent lieu prohibent en toutes lettres l’entrée des tiers dans une partie quelconque de la salle, et si un membre de la chambre des communes faisait pendant la séance formellement observer au président qu’il aperçoit le bout du nez de quelqu’un dans une des tribunes, le président ne pourrait se dispenser de faire déguerpir l’intrus. O’Connell, piqué contre le Times, se donna une fois le malin plaisir de faire ainsi vider les galeries afin que le Times ne pût rapporter la séance ; c’était en 1832. Ce mauvais tour ne s’est pas répété depuis. Le parlement en bloc sait bien qu’il en serait la première victime. Le public vient régulièrement au parlement, les dames y ont une galerie, grillée il est vrai en vertu de je ne sais quelle gothique tradition, et les journaux surtout y sont représentés par des sténographes excellens dont les nôtres devraient bien prendre modèle. Il faut ajouter cependant qu’on ne comprend pas pourquoi on laisse subsister les vieilles lois et les règlemens surannés qui interdisent au public d’assister aux séances du parlement. Quand l’architecte Barry a construit le palais aujourd’hui occupé par les deux chambres, il a reçu l’ordre, qu’il a fidèlement exécuté, d’y ménager des tribunes pour le public. Il serait fort à propos que la réforme qui a été faite dans l’édifice passât dans le texte des lois.

Quand on se rend compte de l’organisation des institutions libérales dont jouit effectivement l’Angleterre et qui la placent en fait de liberté fort au-dessus des peuples du continent européen et nommément de la France, on ne voit pas que la différence provienne de ce que les principes écrits dans les constitutions ou les chartes des états continentaux soient moins libéraux que ceux de la constitution anglaise. Ils sont identiques à peu de chose près. De part et d’autre, c’est la liberté individuelle, l’égalité des citoyens devant la loi, l’assujettissement de tous à l’impôt, l’admissibilité de tous aux fonctions publiques : à plus forte raison le système représentatif avec deux chambres, le vote annuel de l’impôt par les représentans du pays, l’inviolabilité de ces représentans pendant la session législative et la pleine liberté de la tribune de façon que