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quels il a destitué M. Stanton. Ce choc entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif ne peut tourner en Amérique qu’au détriment du premier. L’enseignement sera bon, et nous ne doutons pas que cette année la majorité du congrès, si elle ne frappe point le président d’impeachment, prendra des mesures énergiques pour assurer le triomphe de ses vues dans, la reconstruction du sud. M. Schugler Colfax, président de la chambre des représentans, a annoncé, dans un discours véhément prononcé à un meeting de New-York, la prochaine et vigoureuse reprise des hostilités par la majorité parlementaire contre le président Johnson.

La mort de M. Duchâtel devait être profondément ressentie par la société de Paris. M. Duchâtel avait des amis nombreux et fidèles qui l’accompagnaient avec un sympathique respect dans la dignité de sa retraite. Le grand rôle qu’il avait joué dans la politique ne lui avait point laissé, après les revers, cette inquiétude d’esprit et ces besoins inassouvis d’action qui ne laissent point de relâche aux hommes habitués à la vie publique, même lorsque d’insurmontables événemens les ont écartés de la scène. M. Duchâtel, une fois hors des affaires, ne prit pas la peine de démontrer qu’il n’avait point donné toute sa mesure. C’est ce quelque chose d’inachevé dans une grande carrière que M. Duchâtel portait en lui dans la dernière partie de son existence : Ce trait de la physionomie de l’ancien ministre de l’intérieur a été bien saisi par M. Guizot dans l’admirable discours qu’il a prononcé auprès du cercueil de son ami. Cette vieille et auguste tête, toujours fermement portée, répandait une noble mélancolie dans la triste scène des adieux funéraires. Le grand orateur renaissait avec ses qualités les plus parfaites dans le vigoureux octogénaire. À côté de lui étaient M. Berryer et M. Thiers. Quel triumvirat d’honneur et de talent politique ! Pour ceux qui ont connu dans le temps de leurs luttes viriles ces fiers athlètes, que ce rapprochement était plein de souvenirs et de leçons ! Voilà ces grands adversaires qui se sont livrés entre eux des combats si ardens et si retentissans, et la destinée des événemens, la mutuelle estime et la mutuelle admiration qu’ils professaient les uns pour les autres dans leurs difficiles controverses, l’identité de l’amour du bien public, la fidélité commune gardée aux principes libéraux après leurs revers, les réunissent dans le même acte de piété amicale. Nos anciens avaient du bon, et ils nous apprennent par d’honnêtes exemples que les opinions sincères soutenues avec franchise ne produisent point, même en se heurtant, des blessures inguérissables, et que l’amour du bien public et les convictions libérales ont une puissante et heureuse vertu d’apaisement et de réconciliation.e. forcade.

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L. Buloz.