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les cinq généraux, La cour, sur les conclusions de l’attorney-general Stanbery, avait repoussé l’accusation par la très bonne raison qu’elle incriminait la loi même, au lieu de porter, comme il l’aurait fallu, sur les actes des personnes ; mais cette décision semblait presque un encouragement à de nouvelles accusations, et la cour suprême pouvait bien servir un jour à paralyser légalement l’autorité des gouverneurs.

Cependant ceux-ci préparaient les élections des assemblées nouvelles qui devaient se réunir pour établir des constitutions conformes au plan du congrès. On touchait à la fin de mai, et déjà les listes électorales étaient à moitié faites. Les généraux avaient appliqué très rigoureusement les exclusions légales, et la plus grande partie de la population blanche allait rester étrangère aux élections. Les nègres avaient en Louisiane 38,000 voix de majorité, 17,000 dans l’Alabama, 12,000 dans le Mississipi, 18,000 dans la Caroline du sud ; en Virginie seulement, grâce à la bienveillante administration du général Schofield, les blancs avaient conservé une supériorité de 18,000 voix. En somme, c’était la population noire qui allait s’emparer du gouvernement pour y régner comme en ville prise. Tel était le but de la politique radicale et l’espérance hautement avouée de ces esprits moins équitables que passionnés qui voulaient que l’homme noir eût une revanche, et que, non content d’obtenir justice égale, il exerçât sur le blanc une sorte de représailles des maux endurés autrefois. C’était ce que le président craignait le plus et ce qu’il voulait empêcher à tout prix. Voyant que les rigueurs de la loi étaient encore exagérées par les commandans militaires, il crut devoir intervenir pour en fixer nettement la mesure. Un membre de son cabinet, l’attorney-general Stanbery, publia un commentaire officiel de l’acte de reconstruction, où les exclusions électorales étaient réduites à leurs plus étroites limites. D’après lui, l’acte n’atteignait que les personnes déjà frappées d’incapacité par l’amendement constitutionnel, c’est-à-dire les membres du congrès ou des législatures, les officiers d’état ou de milice, les fonctionnaires quelconques déjà liés par un serment de fidélité au gouvernement fédéral au moment où ils s’étaient jetés dans la rébellion ; il y joignait les membres du congrès rebelle, les officiers d’un haut grade, les représentans diplomatiques de la rébellion. Quant aux autres fonctionnaires rebelles, il ne croyait pas qu’on pût les exclure du suffrage. Il fallait pour cela, « un acte de rébellion ouverte et volontaire, » et le paiement des taxes rebelles, le service dans les armées confédérées, la gestion des fonctions locales, ne pouvaient être considérés comme une participation volontaire à la révolte. Tous ceux d’ailleurs qui prêteraient le serment requis par la loi devaient être inscrits sans contestation sur les