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glacier ne peut se maintenir contre les parois abruptes. Il présente alors deux pu trois étages séparés par de hautes murailles de rochers nus. La facilité avec laquelle les glaciers se reforment n’est jamais plus frappante : la glace qui tombe d’un étage à l’autre se réduit en poussière ; néanmoins elle ne tarde pas à former de nouveau une masse compacte, et le dernier tronçon d’un glacier coupé en trois chemine aussi régulièrement que s’il n’y avait pas eu de rupture. Sans les veines de glace bleue enchâssées dans la glace blanche, on pourrait ne pas soupçonner les désordres du cours supérieur. Il est vrai qu’elles entretiennent une certaine irrégularité à la surface et par conséquent ne passent guère inaperçues. Elles sont plus homogènes, plus dures que la glace blanche, elles résistent mieux à l’action du soleil, en sorte qu’à chaque veine bleue correspond une crête plus ou moins proéminente, à chaque veine blanche un sillon où se logent les débris.

Cependant le glacier, continuant à descendre, pénètre dans des régions relativement basses et chaudes ; les ruisseaux deviennent nombreux, il n’y a pas un sillon de glace blanche qui n’ait son ruisselet, et par les ouvertures des crevasses on entend gronder de véritables torrens. En même temps le glacier diminue. Cette diminution n’est pas d’abord perceptible à l’œil, car c’est en profondeur qu’elle a lieu, et il faudrait pour en juger voir le fond des crevasses. Quant à la largeur, elle dépend surtout de l’écartement des parois : le glacier se rétrécit quand elles se rapprochent ; il s’élargit quand elles s’éloignent, et partout il se moule si bien sur les sinuosités du lit, qu’il ne semble pas avoir de peine à le remplir. Dès que les premiers indices d’une diminution se laissent apercevoir, on peut se dire qu’on approche de la fin. Ce n’est pas la partie la moins intéressante. C’est là qu’on trouve les plus belles aiguilles, et le désordre des moraines y atteint son maximum. C’est en outre l’endroit qui offre le plus de facilités pour entrevoir ce qui se passe sous le glacier. Il est plus que probable que sur les hauteurs la glace adhère au sol ; on ne voit pas ce qui pourrait empêcher l’adhérence au-dessus du point où la chaleur du sol est inférieure à zéro. Quelques observations que l’on a pu faire en profitant de circonstances favorables ont à peu près démontré qu’il en est bien ainsi ; mais vers l’extrémité tous les glaciers de quelque étendue ont quitté depuis longtemps la région des frimas. Ils descendent parfois jusqu’au niveau des montagnettes de la plaine, 1,000 ou 1,200 mètres. La chaleur de la terre les fait fondre par-dessous, et il y a souvent un intervalle libre entre la glace et le sol. De partout s’échappent des ruisseaux, et sur les points d’où sortent les courans les plus actifs il