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l’importance. À cette somme attribuée au roi venaient se joindre le revenu d’environ 400,000 livres que représentait l’ancien domaine ducal, le produit des fouages et celui des fermes. L’impôt produit par la plus considérable, celle des devoirs sur les boissons, appartenait en propre à la province, qui possédait en outre certains revenus particuliers, sur la masse desquels étaient prélevés le don gratuit, les gages du gouverneur, des officiers des états et du parlement, les dépenses des routes et des travaux publics. L’ensemble de ces recettes réunies par l’état et par la province montait à la fin du règne de Louis XIV à une somme d’environ 7,800,000 livres[1]. Si ce budget, calculé au cours de notre monnaie actuelle, était fort inférieur à celui qu’acquittent aujourd hui les cinq départemens réunis de l’ancienne Bretagne, il pesait d’un poids beaucoup plus accablant sur la population rurale. Cette classe malheureuse était en effet écrasée par le chiffre des fouages, parce que le nombre des anoblissemens et des exemptions accordés aux terres et aux personnes rendait chaque jour le fardeau plus lourd en réduisant la quantité des contribuables appelés à le supporter.

Les édits portant création de charges nouvelles, sur lesquels M. d’Aligre avait gardé un silence prudent en présence des états, parurent après la séparation de l’assemblée, ainsi que celle-ci l’avait prévu. La commission intermédiaire s’étant vainement opposée à l’enregistrement de ces édits, l’affaire se présenta à la tenue suivante sous une forme des plus vives. En voyant la royauté manquer vis-à-vis d’eux à des engagemens réitérés, les trois ordres se tinrent pour blessés dans leur honneur, et sur cet article ils ne transigeaient jamais.

Leur premier soin fut d’envoyer à la cour une députation extraordinaire pour protester contre ces déplorables créations. Les états décidèrent qu’ils ne délibéreraient sur le don gratuit qu’après qu’il aurait été répondu à leurs députés. L’adresse dont ceux-ci étaient porteurs reproduisait toutes les objections auxquelles avaient donné lieu depuis le règne de Henri II ces innombrables inventions du génie fiscal. Elle établissait qu’en obligeant les Bretons à recourir pour les actes les plus simples de leur vie au ministère onéreux d’agens scandaleusement inutiles, l’état les frappait de véritables impôts non consentis ; elle contenait enfin contre l’établissement du bureau des trésoriers de France en Bretagne des objections toutes spéciales. L’adresse se terminait ainsi : « Sire, c’est avec un extrême regret que les gens des trois états apportent par cette députation extraordinaire leurs très humbles supplications aux pieds de votre

  1. Voyez aux archives de l’empire les comptes de 1703 et de 1709 fouriwsparMM. Chamillart et Desmaretz, nouveau fonds du contrôle général.