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directement aux communautés les octrois qu’elles réclamaient pour leurs besoins, il tira un profit considérable de ces concessions, de telle sorte que les villes durent commencer par acheter du roi la faculté de s’imposer elles-mêmes. Après avoir mis en bon ordre les affaires de la province, les états, pour déférer à l’invitation qui leur fut adressée au nom du roi, désignèrent dix-huit députés, dont six de chaque ordre, pour représenter la Bretagne aux états-généraux de 1614, convoqués d’abord à Sens, puis à Paris. La nomination fut faite d’après le mode antérieurement pratiqué pour les états de Blois. Les députés de la noblesse furent choisis par l’église et le tiers, ceux de l’église par le tiers et par la noblesse, et ceux du tiers par la noblesse et par l’église.

Fermant ses plaies, contemplant avec bonheur la chute de ces forteresses dont le démantellement était ardemment poursuivi par la commission intermédiaire, la Bretagne goûtait une tranquillité profonde pendant qu’au-delà de ses frontières les réformés et les mécontens organisaient leurs prises d’armes. Ses institutions particulières fonctionnaient d’ailleurs avec une entière liberté, et jamais la couronne n’avait moins songé à lui disputer ses franchises. Les derniers états de Vitré et ceux de Saint-Brieuc n’avaient provoqué aucune contestation ; mais il n’en fut pas ainsi de ceux qui s’ouvrirent à Rennes en 1621. Un désaccord profond se révéla dès l’origine entre les commissaires du roi et les trois ordres. Ce désaccord s’aggrava par les formes blessantes qu’apporta dans cette discussion le conseiller d’état d’Aligre, devenu plus tard chancelier. La commission dite des contraventions fit son rapport, selon l’usage, à l’ouverture de la session, et l’on peut en dégager les griefs suivans : plaintes contre une levée de francs-archers faite par les sénéchaux des juridictions royales en vertu d’ordres dont le syndic des états n’a pas reçu communication ; plaintes plus vives encore sur ce qu’on aurait fait vivre les gens de guerre par étapes, « à la charge et oppression du peuple ; » insistances près du duc de Vendôme, gouverneur, et du maréchal de Brissac, lieutenant-général, afin qu’ils obtiennent de sa majesté la sortie de plusieurs régimens inutiles à la défense de la province, les états promettant d’accorder quelques légers secours à ces garnisons, mais seulement après qu’elles auront quitté le territoire breton ; demande instante d’une protection efficace contre les pirates et rebelles de La Rochelle, qui ont déjà causé pour près d’un million de dommages aux habitans de Nantes, Saint-Malo et Saint-Brieuc.

Les réponses des commissaires à ces diverses réclamations n’eurent pas toute la précision qu’auraient souhaitée les états. Aussi, lorsque M. d’Aligre eut soumis au nom du roi la demande d’un don de 600,000 livres, on lui posa avec une certaine vivacité