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Ces enseignes avaient été brossées par un peintre qui parcourait en touriste les bords de la Loire, dont quelques paysages se font reconnaître encore dans ses pages immortelles. Cet artiste inconnu s’appelait Nicolas Poussin. Toutes ces belles représentations terminées, le roi dut essuyer encore une longue harangue de M. Charette de La Collinière, sénéchal et maire de Nantes, entouré des échevins et des notables en robes de cérémonie. Ce magistrat présenta au jeune prince trois clés de vermeil « si riches qu’on n’en avait pas encore offert de semblables à quelque majesté que ce fût en pareille cérémonie, ce dont le roi fut grandement ravi, et témoigna son contentement par le serein de son visage. »

Messieurs du corps de ville, peu au courant des usages de la cour, croyaient avoir fait grandement les choses en envoyant à chacun des seigneurs de la suite de leurs majestés quelques pipes d’excellent vin, et en y joignant pour les dames des caisses de confitures exquises. Aussi furent-ils un peu surpris le lendemain en voyant les écuyers, les archers des gardes et jusqu’aux aumôniers du palais, s’emparer, en vertu du droit de leur charge, de tous les meubles, ustensiles, tapisseries et ornemens qui avaient servi à la solennité de la veille. Tout y passa, ou dut être racheté à beaux deniers comptans, depuis les grands Hercules jusqu’aux beaux carreaux de velours à crépines d’or sur lesquels s’étaient agenouillées leurs majestés ; mais on était tellement heureux que ces exigences furent à peine remarquées, et l’argent ne coula pas moins abondamment que le vin. Huit jours se passèrent dans des fêtes tellement somptueuses que la dernière parole de la reine-mère, en prenant congé de messieurs les échevins, fut une tardive recommandation à la ville de Nantes pour qu’elle eût à se montrer plus économe à l’avenir.

Durant son séjour, Louis XIII ouvrit les états, ayant à ses côtés la reine sa mère, entouré de sa cour et de ses secrétaires d’état. Le vaste cloître des cordeliers, lieu ordinaire de ces réunions, avait été décoré avec une richesse merveilleuse. Partout brillaient les armes mi-partie de France et de Bretagne, et les trois ordres au grand complet donnaient à cette cérémonie un éclat jusqu’alors sans exemple. Cette tenue se résuma dans un long cri d’enthousiasme et une protestation d’inaltérable fidélité. Le seul mécontentement sérieux que témoignèrent les états fut provoqué par l’indulgence avec laquelle le roi traita son frère naturel. Pleinement rassurée désormais sur les dispositions de la Bretagne, la régente, toujours en ménagement avec les seigneurs mécontens, venait de rendre au duc de Vendôme le titre de gouverneur de cette province, sans susciter d’ailleurs en lui ni le sentiment de la reconnaissance ni celui de son profond isolement. Les états supplièrent le roi