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le consentement préalable des états. De longues acclamations accueillirent ce don de joyeux avènement, et les états ne discutèrent sur aucune des demandes financières qui leur furent soumises par les commissaires du roi.

Il fallait l’impéritie de César de Vendôme pour attendre de la part d’une province satisfaite et tranquille une participation quelconque à des machinations politiques. Ce prince continua cependant de faire fortifier plusieurs places de ses domaines particuliers, et le duc de Retz lui amena en 1613 quelques troupes dans Ancenis au moment où les protestans paraissaient à la veille de se soulever dans le Poitou. La régente prit alors une résolution dont l’effet décisif laissa pressentir ce que serait, au sein de cette monarchie mise au pillage par une aristocratie sans pudeur, la force de l’autorité royale, lorsque celle-ci s’exercerait par un grand ministre en attendant le jour de s’incarner dans un grand roi. Elle conduisit Louis XIII à Nantes, et toutes les velléités de résistance s’évanouirent. A la vue du jeune monarque venant se confier à sa loyauté, la Bretagne fut prise d’un accès d’enthousiasme indescriptible. Les états, réunis en présence de leurs majestés, les corporations municipales, qui se ruinèrent pour leur faire fête, les populations émues, rivalisèrent d’ardeur, au point que l’assemblée des états parut animée d’un véritable esprit de réaction contre les vieux vaincus de la ligue, si longtemps populaires.

Le 16 août 1614, les canons du château de Nantes et les cloches de la cathédrale ébranlèrent au loin les airs. Le roi, la reine-mère et leur suite assistaient à la grande fête nautique qui devait précéder leur entrée dans l’antique cité ducale, fête somptueuse dont les riches archives de Nantes ont conservé le programme avec les nombreuses quittances à l’appui. Ce fut un simulacre de combat naval suivi de l’attaque d’un château par sept galions armés en guerre. Après la prise de la forteresse, le cortège se forma pour entrer à Nantes. En tête marchaient dix compagnies de milice bourgeoise en belle ordonnance. Les six premières portaient les couleurs du roi, incarnat blanc et bleu ; trois étaient aux couleurs de la reine, pensée et gris-blanc ; une portait celles de la ville, noir et blanc. Venaient ensuite sous deux dais de velours aux armes royales Marie de Médicis et le jeune roi, qui maniait avec grâce un joli petit cheval bai aux acclamations d’un peuple immense. Il était nuit close avant que leurs majestés pussent obtenir le droit de se reposer des plaisirs de la journée, car il fallut, à chaque station, subir des surprises et des magnificences nouvelles. Parmi celles dont le souvenir a été gardé par la chronique locale, on cite l’exhibition de transparens ingénieusement éclaires qui représentaient Henri IV et Louis XIII vêtus en Hercules, foulant aux pieds le dragon du jardin des Hespérides.