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majesté, lui disant qu’il le faisait son prisonnier et qu’il était le duc de Bretagne. Sur ce qu’il lui fut empêché d’approcher du roi, le dit fol prit M. de Montbarot aux jambes et s’y opiniâtra tellement qu’il fut fort difficile de l’en ôter. » Henri se tira moins heureusement d’une autre rencontre qui lui fit prolonger de vingt-quatre heures son séjour à Rennes. « En fut cause une demoiselle qu’il voulut voir de plus près. C’était la femme d’un capitaine appelé Desfossés, auquel le roi a fait depuis beaucoup d’avantages, et l’a envoyé pour aller à Calais, dont il est sergent. »

En quittant Rennes, le roi y laissa M. de Rosny pour débattre avec les états toutes les questions financières. Le comte de Molac, qui avait eu le premier jour la présidence de la noblesse, dut la céder au baron d’Avaugour, comte de Vertus, survenu le lendemain, lequel la prit probablement comme seigneur issu du sang de Bretagne. L’évêque de Cornouaille présida pour le clergé, et le sénéchal de Rennes pour le tiers. Une déclaration du roi, communiquée à l’ouverture de l’assemblée, lui annonçait que ses vœux avaient été accueillis sur plusieurs questions fort importantes. Dans les instructions données par le roi à ses six commissaires, on remarquait en effet les points suivans : remise des arrérages de toute nature dus au trésor royal par la province ; déclaration que les fouages et impôts seront continués en la manière accoutumée avec promesse de n’augmenter les levées de deniers que du consentement préalable des états ; retrait de toutes les impositions établies par le duc de Mercœur qui ne seraient pas sanctionnées par eux ; promesse de soumettre à une vérification rigoureuse l’état des garnisons, de faire démolir dans le plus bref délai toutes les fortifications reconnues inutiles, et d’interdire aux seigneurs toute levée d’hommes ou d’argent sous peine de confiscation ; engagement de donner les devoirs à ferme d’après le mode d’adjudication publique recommandé par les états, et d’en déposer les deniers aux mains de leur trésorier[1].

C’étaient là des concessions très considérables, et l’on pouvait croire qu’elles suffiraient pour désarmer toute opposition. Cependant il n’en fut pas ainsi, les états ayant cru remarquer une sorte de lacune dans la déclaration royale. Sa majesté n’avait ni juré, ni promis, à l’exemple de tous les princes ses prédécesseurs, de garder inviolablement les libertés et privilèges de la province. Le roi semblait donc retenir en principe les droits que sa bonté lui faisait abandonner dans certains détails. C’était sur ce point délicat qu’on

  1. Registre des états. Règlement arrêté à Rennes en conseil, le roi présent, 14 mai 1598.