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renouvelèrent enfin avec un redoublement d’énergie la plupart de leurs remontrances précédentes. Ils réclament l’abolition de la traite foraine, l’attribution exclusive des bénéfices ecclésiastiques de la province aux sujets bretons, la suppression des charges françaises au parlement, « afin que les originaires ne soient plus taxés ni d’insuffisance ni d’infidélité, » et avant tout l’abolition des offices nouveaux créés moyennant finances ; il insistent pour une prompte démolition des fortifications des châteaux, repaires de bandits redoutables aux populations ; ils demandent que le roi fasse élever dans la religion catholique MM. de Rohan et de Laval, alors mineurs, « destinés à être les deux principales lumières de son autorité dans la province, en les pourvoyant de docteurs éclairés et suffisans ; » ils finissent en exprimant la confiance que leur inviolable fidélité sera le gage de celle « avec laquelle sa majesté, en sa grande bonté et justice, maintiendra toujours les libertés et privilèges jurés par les rois ses prédécesseurs. »

Quelquefois les états, malgré leur ardent royalisme, contestaient à la couronne des attributions qui lui sont aujourd’hui universellement reconnues dans toutes les monarchies constitutionnelles. La session de 1596 en fournit un exemple éclatant. Les habitans de Saint-Malo, constitués, comme on l’a vu, en une sorte de république indépendante depuis 1589, avaient refusé durant plusieurs années de se faire représenter aux états de Nantes comme à ceux de Rennes. Au duc de Mercœur, qui les sommait de comparaître, ils avaient répondu avec une suprême impudence que les chemins étaient trop mauvais pour que leurs députés pussent se mettre en route[1]. Pourtant, l’abjuration de Henri IV et le progrès de ses armes ayant amené les Malouins à reconnaître le gouvernement royal, ils se décidèrent à envoyer des députés à Rennes en 1596 ; mais leurs délégués parurent aux états tenant à la main la capitulation ratifiée par le monarque qui les avait exemptés de tout impôt durant six années. Cette prétention, que la ville de Dinan produisit de son côté en alléguant un titre semblable, suscita au sein de l’assemblée le plus violent orage. Les trois ordres déclarèrent d’une voix unanime qu’aucun membre de la communauté sociale n’avait ni le droit de s’en séparer ni celui de se dérober aux charges publiques, et qu’un acte où pareille prétention se trouvait énoncée était réputé nul de plein droit aux yeux des états, qui n’y avaient point participé. Les députés de Saint-Malo durent se contenter de prendre des réserves, et le roi, devenu assez fort pour n’avoir plus à ménager ses ennemis, ne parut guère s’inquiéter de défendre la plénitude de son droit au préjudice des recettes de son trésor.

  1. Dom Taillandier, Histoire de Bretagne, t. II, liv. XIX.