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Mercœur agit de même aux états de la ligue. Sorti d’un calcul politique, ce semblant de suffrage universel devint bientôt un droit acquis malgré ses abus et ses périls. Au XVIIe siècle, la liste de présence des membres de la noblesse alla grossissant d’année en année. Après avoir atteint sous Louis XIV le chiffre de plusieurs centaines, cette liste comprit un millier de noms dans quelques tenues du règne suivant, et cette tumultueuse multitude de gentilshommes, pour la plupart étrangers aux affaires, ne tarda pas à imprimer aux états de Bretagne quelque chose des allures et du génie d’une diète polonaise.

L’agitation de la ligue ne provoqua pas seulement l’extension du personnel de la représentation nationale ; elle en changea l’esprit et en agrandit l’horizon. Les deux assemblées rivales étendirent simultanément leurs attributions. Cela fut surtout sensible aux états royalistes de Rennes, obligés de compter davantage avec l’esprit ombrageux d’une population alarmée pour l’intégrité de sa foi. La grandeur de la crise, l’étendue des sacrifices qu’elle impose, les conduisent à s’occuper des questions les plus délicates. L’assemblée envoie des agens à l’étranger ; elle délibère sur leur correspondance, en même temps que, par l’établissement d’un comité permanent désigné sous le nom de commission intermédiaire, elle assure sa participation à la gestion administrative dans l’intervalle des sessions. Isolé au sein d’une province insurgée presque tout entière, le prince de Dombes ne peut rien contester à l’assemblée qui seule prête à son gouvernement quelque force morale. Que refuser d’ailleurs à des catholiques bretons qui, trois années avant la conversion du roi et avec la certitude d’assumer une impopularité universelle, ont le courage de tenir à Henri IV le langage que nous allons entendre ?

« Les gens des trois états, vos très humbles et très fidèles sujets de votre pays de Bretagne, sire, reconnaissent à leur grand regret l’orage de la rébellion sous le nom de ligue tombé sur notre province, en laquelle l’Espagnol, ancien ennemi du royaume, vient de prendre pied, y étant appelé par le duc de Mercœur, ennemi déclaré de votre majesté, de l’état et couronne de France. Pour opposer les pernicieux desseins de vos ennemis jà trop avancés, vos fidèles et obéissans sujets jurent et protestent avoir une ferme volonté et intention d’employer et leur vie et leurs biens pour votre service, et au maintien de votre état audit pays et duché de Bretagne inséparablement uni et incorporé à la couronne, à la libération et conservation de leur patrie en laquelle ils sont nés et auprès de laquelle ils savent rien ne se pouvoir estimer plus digne, suppliant très humblement votre majesté, sire, par votre bonté paternelle, par la compassion que vous avez de leurs misères et