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les exclura du Zollverein ; les deux principaux états du sud n’ont point résisté à cette menace au détriment des intérêts de leurs populations ; ils n’ont pas voulu encourir l’excommunication douanière. Cependant il reste de cette petite lutte un souvenir de résistance. A mesure que l’Autriche reviendrai la santé économique et politique, peut-être les états du sud de l’Allemagne chercheront-ils de nouveau en elle le secours d’une ancienne amitié. On ne peut en vérité considérer comme absolue et éternelle la séparation de l’Autriche et de l’Allemagne.

Le second volume de l’Histoire de Napoléon Ier, par M. Lanfrey, vient de paraître. Les qualités de l’écrivain s’affermissent à mesure qu’il avance dans son œuvre. Cette histoire sera un des documens les plus instructifs fournis à notre pays. Elle mettra fin à l’idolâtrie puérile qui s’est attachée à l’œuvre de Napoléon. Sans doute cet homme extraordinaire, même après qu’on a placé en lumière les erreurs de son esprit et les défauts de son caractère, reste un prodige qui étonne l’imagination, mais qui ne peut inspirer à des esprits réglés par la philosophie et vraiment versés dans l’histoire l’admiration fanatique qui s’est traduite par tant d’adulations puériles. M. Lanfrey aborde dans son second volume deux des grands épisodes de la domination napoléonienne qui ont exercé, à vrai dire, une influence sur tout son règne, le concordat et la rupture de la paix d’Amiens. Le concordat a bien montré que Napoléon n’apportait point dans le gouvernement les inspirations de l’esprit moderne. La France possédait les élémens de la liberté des cultes et de la situation normale des religions dans les sociétés nouvelles quand Napoléon, l’esprit toujours tourné vers le passé, voulut rétablir un grand clergé d’état et s’assurer par une alliance avec la cour de Rome l’empire des âmes. Quel esprit de ruse mesquine il apporta dans l’exécution de ce plan, quelles tracasseries il s’y attira, quelles misérables querelles il s’y fit avec la cour de Rome, c’est ce que nos lecteurs savent par les travaux si intéressans de M. d’Haussonville publiés sur ce sujet dans la Revue. Le même enseignement apparaît en raccourci, mais avec énergie dans le livre de M. Lanfrey. Le récit de la rupture de la paix d’Amiens sera pour les lecteurs français la partie la plus neuve de ce second volume. Ceux qui ont étudié l’histoire du commencement de ce siècle dans les documens officiels étrangers et dans les mémoires des hommes d’état anglais savent que Napoléon a été le véritable et volontaire auteur de la rupture de la paix d’Amiens, et que c’est pour cette résolution arbitraire et haineuse de guerre contre l’Angleterre qu’il entreprit la lutte gigantesque et folle dans laquelle il succomba en entraînant la France avec lui ; mais le public n’a jamais été instruit chez nous de cette crise décisive par les historiens adulateurs de Napoléon, et on trouvera dans le livre de M. Lanfrey la saine et utile vérité. E. FORCADE.