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ait eu l’idée, si les choses s’envenimaient en Italie, d’envoyer une armée de quarante mille hommes dans le royaume de Naples. Les puissances, cela veut-il dire les puissances de l’ancien concert européen, Angleterre, Prusse, Russie, Autriche et France ? Le tribunal serait-il compétent ? L’Angleterre se mettrait-elle en traversées vœux d’un peuple pour perpétuer la puissance politique du, papisme ? — La Russie peut-elle prendre en main les destinées de l’église romaine, elle, la dernière puissance persécutrice qui fait partout la guerre au catholicisme latin, et que le pape frappe autant que l’Italie de ses ardens anathèmes ? La Prusse se prononcerait-elle pour le pape, elle qui vient d’avoir soin de nous rappeler par l’organe de son roi s’adressant au reichstag les intérêts communs qui, grâce à nous, l’unissent à l’Italie ?

Enfin, en ouvrant une instruction européenne sur la situation de la papauté temporelle, nous devrions, nous, France, pensera nous-mêmes. Telle qu’elle est posée chez nous par les opinions extrêmes du cléricalisme et du radicalisme, l’affaire romaine, est en réalité une question profondément française. On en peut juger par l’irritation croissante et la violence passionnée des polémiques. Il y a dans l’ardente vivacité de ces luttes qui recommencent de quoi affliger les esprits modérés et les patriotes qui croyaient qu’il y avait eu en France des causes gagnées et des rivalités apaisées. Nous avons un parti qui défend à tout prix la conservation du pouvoir temporel et un parti qui regarde comme contraire à tous les intérêts et à tous les principes de la révolution française le pouvoir politique exercé par des mains sacerdotales. A coup sûr, si on regarde aux traditions, aux associations, aux affinités, aux tendances de ceux qui défendent chez nous le pouvoir temporel de la papauté, on est bien forcé de reconnaître en eux des adversaires de l’esprit moderne et des partisans de restauration des choses passées. Ceux qui veillent chez nous à la conservation et au développement des principes de la révolution ont été guéris par bien des échecs récens de tout optimisme tolérant ; ils sont inquiets et défians ; dans un pays qui a coutume de faire des pas en arrière après les élans les plus généreux, ils redoutent des retours aux vieilles tyrannies dont la France a cru s’émanciper. On croirait que l’ancien régime et la révolution sont toujours en présence et toujours prêts à recommencer l’éternel combat. A voir le recrutement des volontaires du pape dans certaines parties de la France, on dirait qu’une petite Vendée trouve à Rome son foyer ; par contre, les entreprises garibaldiennes trouvent dans l’opinion avancée des partisans exaltés. En somme, la controverse violente et envenimée de la question romaine, il serait temps d’y prendre garde, n’entretient point le moral de la France dans un état sain. Or le jour où l’on voudrait sortir de cette confusion douloureuse, le jour où l’on prendrait le parti de laisser la question romaine à elle-même, il est certain que cette question se résou-