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hommes d’état italiens qui passaient pour être le plus amis de l’alliance française ? Comment comprendre les soudainetés et les sursauts de la nouvelle intervention française ? Il est étrange que la cour de Florence ait méconnu l’intérêt supérieur qui lui commandait de faire tous les sacrifices pour prévenir le retour d’une armée française dans les états roumains ; quelle autorité n’aurait-elle pas eue dans la négociation ultérieure de la question romaine, si elle eût pu s’y présenter avec un témoignage de sa force conservatrice, au lieu de n’apporter, comme elle y est contrainte désormais, que le plaidoyer de l’impuissance.

La convention du 15 septembre n’était qu’une impasse : il importait de la respecter jusqu’à ce que la marche du temps et des occasions favorables permissent de la franchir d’une façon régulière. Malgré la secousse violente du moment, il n’est que trop évident que l’impasse continuera de subsister. C’est surtout au point de vue des intérêts et des principes de la France que cette situation doit nous préoccuper. Les argumens par lesquels le gouvernement français justifie ses mesures actuelles, n’ont point le caractère de raisons permanentes. Ce peut être pour un grand gouvernement et un grand pays une question de dignité de faire respecter des arrangemens conclus par eux pour la satisfaction temporaire d’intérêts dont ils sont juges ; mais en remplissant ce devoir d’honneur imposé par des circonstances passagères on ne doit point perdre de vue la nature essentielle des obstacles qui s’élèveront à la longue. Tout en prenant les mesures les plus rigoureuses pour maintenir le statu quo à Rome, le gouvernement français paraît comprendre qu’il ne peut assumer sur lui seul la responsabilité de la protection sans fin du pouvoir temporel de la papauté. La circulaire de M. de Moustier ne donne à notre nouvelle occupation qu’une portée temporaire, et défère très nettement le règlement de la question romaine à la responsabilité collective de l’Europe. Au point de vue européen, la question s’élèvera et se généralisera inévitablement. L’Europe aura à décider si la conservation du pouvoir temporel est compatible avec la constitution indépendante et la paix intérieure de la nation italienne. Ce n’est point en s’abandonnant aux passions réactionnaires ou révolutionnaires qu’on résoudra cette immense question ; c’est avec la raison, le sentiment de la justice et les lumières de l’expérience historique qu’il faut en aborder l’étude et en déduire la conclusion vraie. M. de Moustier parle des puissances ; mais il ne dit point les états qu’il comprend sous cette dénomination. Ne songe-t-il qu’aux puissances catholiques ? Il n’y aurait alors que la France, l’Autriche, l’Espagne et le Portugal ; le consentement exclusif de ces états ne saurait passer pour un verdict européen et pour le jugement de la civilisation moderne. Leur arrêt serait suspect de partialité ; il y en a un parmi eux, l’Espagne, qui en ce moment étonnerait le monde par ses assertions, s’il était vrai, comme on l’assure, que son cabinet actuel