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des négocians américains. Les États-Unis sont la mère-patrie commerciale de cette colonie anglaise.


III

Nous ne suivrons pas nos deux voyageurs dans leur expédition du Cariboo, où ils vont faire connaissance avec le cocktail et avec tous les mélanges d’alcool et d’épices en usage parmi les mineurs. L’intérêt de cette partie du voyage se résume dans deux ou trois anecdotes d’un caractère sombre. Des deux mineurs qui ont découvert le plus riche des gisemens aurifères, l’un est mort de faim dans la forêt, l’autre est devenu paralytique et demande l’aumône à Victoria. Une partie des soixante émigrans qui avaient précédé lord Milton et M. Cheadle à la Cache de la Tête jaune a péri dans les rapides du Thompson. Les cinq mineurs qui s’étaient livrés au Frazer ont eu également leur canot renversé dans un rapide. Ils se sauvèrent à la nage, et deux d’entre eux, après des fatigues inouïes, parvinrent à atteindre le fort Saint-George, situé au coude septentrional du Frazer. Une troupe d’Indiens fut envoyée à la recherche des trois autres ; quand elle les retrouva, il n’en restait que deux enfouis dans la neige jusqu’au milieu du corps, devenus fous et dévorant les restes sanglans du camarade qu’ils avaient tué. Puisque nous ne courons pas à la recherche de l’or, écartons nos regards de ces lieux de débauche, d’avarice et de souffrance.

Il y a dans le livre de lord Milton et de M. Cheadle une lacune qu’il faut combler. S’ils intitulent leur voyage « passage du nord-ouest par terre, » comme on appelle « passage du nord-ouest par mer » les voyages des plus grands navigateurs, ils oublient de dire pour quelle raison, d’un bout de l’Amérique à l’autre, on demande un chemin de fer, une route de terre qui relie la Colombie anglaise au Canada à travers les possessions de la Compagnie de la baie d’Hudson. Pour les territoires anglais de l’Amérique du Nord, la question des routes est la plus importante de toutes ; considérable en elle-même, elle est aggravée par la concurrence des chemins américains. Ce qui n’est aujourd’hui qu’un intérêt de commerce et d’agriculture deviendra une arme irrésistible dans le conflit qui se prépare entre l’Angleterre et les États-Unis, car, du détroit de Fuca dans le Pacifique à l’embouchure du Saint-Laurent dans l’Atlantique, la frontière des États-Unis longe les possessions britanniques. Essayons donc de donner au voyage que nous venons d’analyser la conclusion qui lui manque. Pour plus de clarté, nous exposerons séparément ce qui touche la Colombie anglaise, le Canada et le territoire de la Compagnie de la baie d’Hudson.

Les sources de l’or, si l’on peut parler ainsi, n’ont pas encore