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en bronze, par conséquent un tableau mort malgré ses prétentions à la vie. L’excessive animation des personnages accusera d’autant mieux l’inertie de ce qui les entoure, car le ciseau, quoi qu’il fasse, ne simulera pas plus les tourbillons de poussière soulevés par les combat tans qu’il ne figurera l’éclair jaillissant du choc des « armes ou les profondeurs de la perspective.

Supposez par exemple le célèbre carton de Léonard de Vinci, le combat des Quatre cavaliers, transformé en bas-relief. Que deviendra ce groupe terrible, une fois privé de l’atmosphère qui en confirme ou en diversifie les lignes impétueuses et les plans ? Quelle part restera, dans la signification sinistre de la scène, à ce ciel et à ce terrain réduits, l’un, à n’être plus qu’une muraille, l’autre un support uniformément relié au fond ? Ce que le clair-obscur avait énergiquement accentué sous la maki du peintre ira se perdre dans une lumière monotone ; ce qui se dessinait en vigueur sur le vide portera ombre sur une surface, et quelque chose d’interrompu dans reflet, de faux, de froidement tourmenté, résultera de ces effacemens ou de ces saillies inévitables. Ce sera bien pis encore si, au lieu d’opérer sur un champ vertical, le sculpteur applique ces procédés de composition pittoresque à l’agencement d’objets s’enroulant autour d’un vase ou d’une colonne. Quoi de plus offensant pour le regard et pour le goût que des effets d’optique se produisant en sens inverse du galbe, que des semblans de concavités venant démentir le mouvement réel des lignes et la convexité du monument ? Les bas-reliefs dont la longue spirale enrichit, sans la déformer, la colonne Trajane, quelques vases ou sarcophages romains et la frise circulaire sculptée par Donatello sur la chaire extérieure de l’église de Prato montrent bien comment un artiste habile sait se préserver de ces exagérations ou de ces contre-sens ; mais en général c’est aux monumens de l’art grec, de cet art toujours mesuré dans son élan, toujours délicat dans sa force, qu’il faudra s’adresser de préférence pour apprendre à proportionner le mouvement des parties a l’immobilité architectonique de l’ensemble et la variété des élémens à l’unité de la composition. Sur ce point comme sur tant d’autres, ce sont là encore une fois les modèles qu’il faut choisir, non pour en copier servilement les dehors, mais pour s’initier aux conditions intimes de ce beau dont les Grecs ont mieux que personne connu la raison d’être et deviné les lois.

La sobriété dans l’attitude, dans le geste, dans l’ordonnance des lignes, soit que celles-ci ne dessinent qu’une figure isolée, soit qu’elles se combinent en forme de groupe ou de bas-relief, — la prédominance du caractère typique sur la physionomie individuelle, du général sur le particulier et de la beauté sur l’expression, —