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sans doute est à trois quilles comme celle des navires employés à la navigation mixte, les rend propres au parcours des fleuves et de la mer.

Si le halage à l’aide des chevaux a été remplacé par le touage et la remorque à vapeur, les fameuses galiotes et les coches ont disparu pour toujours devant les bateaux à roues et à hélice. Qui n’a entendu parler du coche d’Auxerre qui a tant fait rire nos grands-parens dans les Petites Danaïdes ? Il arrivait et s’amarrait au quai de la Grève ; c’était, dit-on, une arche immense toute pleine de raisiné, de futailles et de nourrices. On n’allait pas vite, et l’on s’arrêtait volontiers à tous les cabarets qui bordaient le chemin de halage. Il a cédé le pas aux bateaux à vapeur, qui eux-mêmes aujourd’hui ne luttent que bien difficilement contre la redoutable concurrence des chemins de fer. Onze steamers, ayant des départs réguliers et quotidiens, mettent aujourd’hui Paris en communication avec Saint-Cloud, Melun et Montereau ; c’est bien peu pour une ville comme la nôtre, et je ne crois pas cependant que ce genre de transport, très délaissé par les voyageurs, fasse de brillantes affaires. Le bateau qui, allant à Melun, s’arrête à Corbeil, porte encore le surnom qu’on avait donné pendant le XVIe siècle au coche qui faisait le même service ; jouant sur le mot Corbeil, on l’appelle le Corbillard, ce qui prouve qu’une plaisanterie n’a pas besoin d’être bonne pour durer longtemps.

L’exposition universelle a fait naître à Paris une nouvelle industrie fluviale, celle des mouches, petits bateaux à vapeur rapides, pouvant contenir cent cinquante passagers, déjà employés à Lyon et usités depuis bien longtemps à Londres. On eût pu croire que ce service n’était que transitoire et simplement appelé à subvenir aux exigences d’une circonstance exceptionnelle ; l’administration a été plus libérale, elle a voulu qu’il fût définitif, et les mouches ont désormais droit de cité sur la Seine. Une décision du ministre des travaux publics en date du 19 juillet 1866, rendue exécutoire par un arrêté du préfet de police du 10 août 1866, autorise, pour un délai de quinze ans à compter du 1er février 1867, la circulation entre le pont Napoléon et le viaduc d’Auteuil d’un certain nombre de bateaux pour le transport en commun des voyageurs ; le tarif est fixé, depuis le 28 mai 1867, à 25 centimes par place. Ces bateaux seront à la rivière ce que les omnibus sont à nos rues et à nos boulevards ; mais pour qu’ils puissent faire en tout temps un bon service, actif, ininterrompu, vraiment profitable à la population, pour qu’ils ne soient pas, comme nous l’avons vu récemment, en partie neutralisés par les basses eaux, il faut que le barrage de Suresne maintienne la rivière à une hauteur minima invariable : sans cela les pauvres mouches pourront bien briser leurs ailes sur