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établissemens, de susciter des efforts personnels, une concurrence féconde, elles constituent des monopoles, imposent à la société leurs exigences, et ont pour tendance commune de substituer la régularité à la vie, la précision des mouvemens à l’activité de la pensée. Les ouvriers ne sont plus que les rouages infimes d’un organisme sans caractère et sans grandeur, et l’on s’étonne de l’absence complète d’individualisme dans ces œuvres qui sont le produit fatal des machines !

Stimuler l’initiative particulière, voilà surtout à quoi il faudrait s’attacher d’abord pour relever l’art. N’est-ce pas ce qu’il faudrait faire aussi pour revivifier le commerce, l’industrie, toutes les manifestations de notre vie économique ? On s’est sans doute proposé de hâter ce progrès quand on a organisé la grande exhibition du Champ de Mars ; nous ne croyons pas que le moyen fût mauvais en lui-même, nous trouvons seulement qu’il n’a pas rendu en cette occasion tout ce qu’on eût paru en droit d’en espérer. En songeant aux conséquences que devrait amener ce grand concours commercial, aux fertiles effets qui naîtraient naturellement des rapports plus intimes entre les producteurs et les consommateurs sur tous les points du globe, à l’élan prodigieux que des besoins nouveaux sont appelés à imprimer aux communications déjà si rapides, on reste consterné de la durée si courte dévolue à cette exposition. On craint de voir tant de frais, tant de peines, perdus sans donner de résultat sérieux. Au moment même où l’heure est venue de profiter de ce prodigieux effort, il serait triste de le laisser s’affaisser sur lui-même, comme un ballon qui crève avant de s’enlever. On remue le monde, on l’attire par tous les moyens ; ce n’est pas tout, il faut extraire de ce mouvement tout ce qui peut le rendre fructueux. Voyez les directeurs des musées de Kensington, de Vienne, de Berlin, de Pétersbourg et de Tiflis ; avec quel empressement ils mettent la main sur tout ce qui leur paraît utile ! Les gouvernemens étrangers, les sociétés particulières, n’ont pas manqué cette précieuse occasion, que la France semble négliger. Assurément l’exposition universelle de 1867 est de toutes la plus complète et la plus brillante, elle a causé un ébranlement général des hommes et des choses de l’industrie, elle attire à Paris une partie de l’univers, et par suite elle est une source momentanée de richesse pour le pays ; mais le but même qu’on s’est proposé, et qui est d’exciter par la comparaison à faire mieux et à meilleur marché, ce but, nous craignons qu’il ne soit pas touché. Notre manque de capitaux, notre médiocre esprit de persévérance et d’union dans les entreprises, placeront pour longtemps encore notre industrie après celle de l’Angleterre. L’Allemagne de son côté a pour elle l’avantage d’une