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susceptible. Ainsi, par exemple, exécuter des murs en cristal tantôt transparens, tantôt opaques et étamés, des colonnes torses ou cannelées soit blanches soit de couleurs diverses, des frises gravées par l’acide fluorhydrique ou niellées d’argent par la pile, des voussures stalactiformes, des dômes en verre d’une seule pièce, des colonnettes et des moulures en cristal et en miroirs, des torchères élégantes de style vénitien à côté de cadres à facettes, enfin des caisses de fleurs en verre craquelé, frisé ou rubanné, qu’on se figure, pour compléter cet ensemble, ici des fontaines coulantes, ornant l’entrée comme au kiosque de Soliman le Magnifique à Constantinople, là au contraire un bassin d’eau tranquille éclairé par une lumière souterraine, enfin des lampes émaillées comme celles des mosquées de Damas ou du Caire : n’est-il pas vrai que tout cela bien conçu, bien étudié, eût offert un coup d’œil aussi neuf qu’enchanteur ? C’eût été le palais d’une fée, à la fois élégant et pratique, digne enfin de devenir la salle d’été d’un souverain.

C’est ainsi que nous aurions compris la disposition d’une partie de l’exposition. Au lieu de faire, comme au palais de Sydenham, des copies archéologiques de telle ou telle époque ancienne, nous aurions arrangé des salles faciles à habiter de nos jours et rappelant les temps et les contrées où la civilisation est arrivée à son apogée : — une salle en boiserie sculptée par Grohé dans le style Louis XV ou Louis XVI, mais sans imitation servile, une autre en-panneaux des Gobelins confiée au goût parfait de M. Badin, à la suite un salon tout en lampas ou en brocart, avec les peintures et les dorures rappelant le grand luxe du palais des doges. Le talent de nos peintres s’y étalerait sans gêne, ce sont des travaux que ne dédaignaient pas Boucher et Paul Véronèse. Puis viendrait l’antichambre en marbre et en porphyre sculptés, avec des statues calculées pour la décoration. Nos habiles statuaires sont tout prêts, et les modèles qui ornent le jardin intérieur prouvent ce qu’ils feraient sous une impulsion intelligente. La galerie d’entrée donnant sur toutes les salles eût été en faïence de style persan, ornée de tapis fabriqués dans l’esprit des merveilles que l’Inde et la Perse offrent à notre admiration. Un boudoir en laque du Japon, avec étoffes et meubles de la Chine, serait disposé à la mode du pays ; la serre en fer ouvré, chef-d’œuvre de serrurerie, terminerait cette suite d’appartemens. Tout cela en un mot pouvait être combiné de façon à réunir les forces de nos meilleurs artistes au lieu de les éparpiller, au lieu d’aller au hasard et sans guide, et il eût été intéressant, instructif surtout, de diriger par un conseil de gens de goût les artisans français. Nous les avons tous sous la main, nous les rencontrons successivement dans cette promenade, et, bien qu’ils n’aient pas donné, toute leur mesure à cette exposition, nous ne craignons pas de dire