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l’exposition de l’Orient que les habitans de ces contrées n’avaient aucune idée du comfortable. Ceux qui ont habité sérieusement ces beaux pays pensent exactement le contraire, et il nous serait facile de prouver, si c’était ici l’occasion, à quel haut degré de comfort les peuples d’Orient sont arrivés, à quel point les gens les moins riches même ont dans leur intérieur d’aisance et de luxe. « Ils n’ont d’autres meubles que des divans, des tapis et des nattes, » dit-on. Cela est vrai ; mais quels divans, quels tapis et quelles nattes ! Au lieu de ces chaises ridicules sur lesquelles on n’ose se remuer de peur de les briser et de se casser les reins, ce sont de larges et moelleux coussins où le corps tout entier se repose ; au lieu de mesquines étoffes, ce sont ces beaux tapis que les Gobelins ne parviendront jamais à faire. « Ils n’ont point de cheminées, de lits ni d’armoires, » ajoute-t-on. Dans une partie de l’Orient, au Caire ou à Philœ par exemple, les cheminées n’ont pas de raison d’être, et d’ailleurs cette remarquable ornementation de tuyaux de poêle qui couronne nos palais doit ôter, ce me semble, toute espèce de regrets ; mais, dans les parties de l’Asie-Mineure et de la Perse où l’hiver se fait sentir, il y a des cheminées, et elles sont d’une forme et d’une élégance exquises. Le divan sert en effet de lit dans les appartemens orientaux ; mais n’est-ce pas une science véritable que de savoir simplifier les moyens en conservant autant de bien-être, si ce n’est davantage ? Les armoires sont dans l’épaisseur des murs et, au lieu d’encombrer l’appartement et d’en déformer l’architecture, ornent les parois de la pièce de battans sculptés ; les tables, véritables objets d’art, sont d’une commodité parfaite. Pour leur vaisselle, les artistes d’Europe qui visitent l’Orient savent apprécier ce qu’elle vaut, et nos orfèvres essaient vainement de la reproduire. Nous n’en finirions pas, s’il nous fallait suivre et discuter toutes les erreurs accréditées sur l’Orient, depuis surtout que nos conquêtes en Algérie, dans les parties les plus sauvages de l’Afrique, ont fait supposer que le reste de ces pays du soleil avait le même caractère de rudesse et de barbarie.

C’est au bazar de Constantinople qu’on peut surtout se rendre compte de la diversité des fabrications de l’Orient. Les étoffes de soie, de laine et de coton sont faites à Scutari, à Brousse, à Nicomédie, à Andrinople, à Smyrne et Amazia, à Tarnowo, à Damas et Alep, enfin dans la plupart des villes et villages de l’empire. En Albanie aussi bien qu’en Asie-Mineure, on tisse admirablement ces gazes crêpées nommées bouroundjouk. C’est une toile de soie transparente comme de la mousseline, mais très forte, parfois rayée de couleur ; elle est le plus souvent blanc mat sur blanc transparent, et sert à faire ces chemises (geumlek) si recherchées des kaïdji du