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pas demandé aux savans juifs un ouvrage spécial résumant le Talmud dans tout ce qu’il a d’essentiel ! La réponse est d’ordinaire qu’une telle œuvre est inexécutable, et les rares essais tentés pour satisfaire à ce vœu si simple sont plutôt de nature à confirmer qu’à affaiblir cette opinion. D’ailleurs l’idée d’essentiel n’est pas talmudique. Au point de vue de ses auteurs, rien n’est accessoire. Ne s’agit-il pas de savoir comment, dans tous les cas possibles, on devra s’y prendre pour ne pas violer ces préceptes de la loi dont le transgresseur est maudit ?

Que l’on se figure douze énormes in-folio dont chaque page est couverte d’une écriture serrée, hébraïque et chaldaïque, dont le texte est toujours obscur, exigeant de quiconque ne possède pas déjà la clé de la terminologie rabbinique une étude prolongée pour n’être pas rebuté dès les premières lignes, ne traitant ex professo aucune grande question philosophique ou religieuse, mais les côtoyant toutes et les montrant, pour ainsi dire, de profil, pour ne présenter de face que les innombrables minuties du ritualisme rabbinique, — celles-ci, à leur tour, présentées non dans l’ordre rigoureux d’un traité didactique, mais telles qu’elles se suivent dans la série monotone des opinions émises par les autorités consacrées, et l’on aura une première vue d’ensemble très superficielle sur l’entrée du labyrinthe. Pour pénétrer un peu plus loin, nous devons faire appel à l’esquisse que nous venons de retracer des destinées historiques du judaïsme.

La mischna et la gémare, tels sont les deux élémens constitutifs du Talmud. On se rappelle que la mischna ou seconde loi extensive et explicative de la loi mosaïque, la mischna, fixée à la fin du second siècle par R. Juda le Saint, a été conservée sous la forme de deux versions, l’une dite de Jérusalem, l’autre de Babylone, et que chacune de ces deux mischnas a servi de thème à une gémare ou commentaire se dévidant parallèlement sur les bords du Jourdain et sur ceux de l’Euphrate. La mischna formant la base du Talmud tout entier et lui imposant sa division propre, il faut donc dans le Talmud en général distinguer le Talmud Jeruschalemi et le Talmud Babli. Ce dernier jouit parmi les Juifs orthodoxes d’une autorité plus grande encore que le Talmud de Jérusalem. Pour l’historien qui cherche avant tout ce qui est antique et simple, celui-ci au contraire a plus de valeur. Les deux Talmuds locaux, dont la réunion forme le Talmud total, sont donc divisés l’un et l’autre, d’après la division de la mischna qui leur est commune en six sedarim ou livres d’ordonnances dont les titres indiquent assez, bien le sujet : 1° semences, 2° fêtes, 3° femmes, 4° dommages, 5° consécrations, 6° purifications. Chaque seder se divise en traités, chaque