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glorifiait de descendre du grand Hillel, et qui avait donné des leçons à Paul de Tarse. Inutile de dire que les événemens avaient rejeté au second rang l’école de Schammaï et son pharisaïsme intraitable, et qu’en revanche l’esprit plus pratique, plus pacifique, non moins pédant, mais plus raisonnable de Hillel domina dorénavant dans le rabbinisme, excepté aux momens d’effervescence où le vieux zélotisme revint sur l’eau. Depuis Gamaliel II, la dignité de nassi ou patriarche juif, bien que toujours considérée comme dévolue par le sanhédrin, fut héréditaire dans cette famille, qui prétendait rattacher ses origines par les femmes à la maison de David.

On vit alors se produire au sein du judaïsme un phénomène remarquable, très peu remarqué jusqu’à présent, et sur lequel je me permets d’appeler l’attention des savans qui s’occupent des origines de l’ancien catholicisme ; une tendance prononcée à l’unité extérieure, à la conformité disciplinaire et à la centralisation s’empara du corps entier du judaïsme à peu près vers le même temps ou plus précisément un peu avant qu’un même mouvement se manifestât dans les communautés chrétiennes, jusqu’alors si indépendantes l’une de l’autre. Il faut que, sous le régime impérial romain, le goût de l’unité ait été bien fort. Le fait est qu’en politique et en religion tout à cette époque cherche à se concentrer. Les adversaires des pouvoirs qui profitent de cette marche des choses ont beau avoir mille fois raison ; leurs argumens se perdent dans le vide, la masse est d’avarice acquise à tout ce qui à ses yeux objective l’unité dont elle est éprise. L’épiscopat chez les chrétiens, le patriarcat chez les Juifs, l’autorité toujours plus absolue de l’un et de l’autre, se développent parallèlement, celui-ci précédant celui-là. Quelle confirmation des théories récentes de la science religieuse sur la prépondérance du judœo-christianisme au sein de l’église primitive et sur l’origine judœo-chrétienne de l’épiscopat ! Les deux puissances, l’épiscopat chrétien (qui devait à son tour chercher à se concentrer) et le patriarcat juif, fondent également leur commune prétention sur la nécessité de conserver les pures traditions. Au fond, la pureté des traditions qu’ils enseignent n’a d’autre garantie à son tour que leur prétention ; mais cela suffit pour que la majorité s’incline. La masse croit toujours ce qu’elle aime à croire.

Ainsi Gamaliel II s’occupa surtout de ramener à l’unité les tendances divergentes qui se faisaient jour dans les écoles, filles de celle de Jamnia, déjà ouvertes çà et là dans la contrée. Une bat-col ou voix du ciel décida que les doctrines de Hillel et de Schammaï étaient divines toutes les deux, mais que dans la pratique il fallait suivre celle de Hillel. Quelques schammaïtes zélés protestèrent contre cette manière trop commode d’avoir raison, mais leurs