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à peu du souverain, tout au moins du vice-roi ; ils eurent un palais, une cour, des audiences, une police, et déployèrent un grand faste. Plus importante encore à partir de la résurrection de l’empire perse par les Sassanides, cette espèce de vice-royauté juive se perpétua à travers bien des vicissitudes jusqu’au XIe siècle.

La tranquillité relative, la prospérité rarement troublée des Juifs de Babylonie, firent que, sous le rapport du nombre et de la puissance matérielle, l’Israël de l’Euphrate l’emporta dès le premier siècle de notre ère sur l’Israël du Jourdain. Toutefois, au point de vue religieux, Jérusalem, son temple, ses écoles, ses souvenirs, jouissaient d’une autorité que Naardée, son prince et ses pompes ne pouvaient revendiquer. Cependant on retrouve dans le Talmud les traces d’une tendance très ancienne chez les Juifs babyloniens à s’émanciper de la suprématie de Jérusalem. C’est ainsi qu’ils se vantaient d’être de sang plus pur que les Juifs de Palestine, n’ayant jamais, comme ceux-ci, contracté mariage avec des femmes étrangères. À cette prétention, très grave dans les vieilles idées sémitiques, se joignait celle de posséder des traditions plus antiques, plus directement émanées du vieil Israël d’avant la captivité que celles qu’on pouvait recueillir en Judée, où la filière traditionnelle avait subi une interruption prolongée. Ce qui est à noter, c’est que les Juifs de Palestine ne niaient pas ces assertions d’une manière absolue, et, chose qu’on oublie trop souvent ou qu’on ignore, ils acceptèrent beaucoup plus volontiers les influences babyloniennes que l’action des autres milieux juifs qui, tels qu’Alexandrie, pouvaient raisonnablement prétendre à l’autorité intellectuelle. Plus d’une des célébrités rabbiniques de Palestine, entre autres le grand Hillel, étaient venues de la vallée de l’Euphrate.

Naturellement les prétentions des Juifs babyloniens s’accentuèrent encore lorsque la destruction du temple eut enlevé à la Judée son plus grand titre à la suprématie, et qu’il fut avéré, par l’insuccès de tous les efforts tentés pour le relever, que cette destruction était irrévocable. Ce fut surtout après la défaite de Bar-Kochba, tandis que les édits d’Adrien menaçaient aussi le judaïsme d’une extirpation totale dans les limites de l’empire romain, que le judaïsme libre et prospère de l’empire parthe acquit la conscience de sa supériorité. Un moment il y eut à Naardée un sanhédrin proprio motu que le sanhédrin régulier de Palestine, reconstitué après Adrien, eut quelque peine à ramener à l’obéissance. Il se trouva même des rabbins qui prétendaient que la déportation d’Israël en Chaldée sous Nébucadnetzar avait été un fait providentiellement heureux, que sous Cyrus on avait eu tort de vouloir et d’organiser la restauration, et que le véritable Israël se trouvait désormais sur les bords