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vieux souterrains du temple brûlé par Titus purent fort bien faire explosion çà et là. L’ignorance superstitieuse du temps n’en demandait pas davantage pour crier au miracle.

Les premiers successeurs de Julien furent ariens et tolérans pour les Juifs ; mais sous Théodose l’orthodoxie et l’intolérance revinrent au pouvoir, et les Juifs eurent beaucoup à en souffrir. Chrysostome, Ambroise, Cyrille d’Alexandrie, se distinguèrent par leur animosité contre eux. Bientôt commencèrent les grandes invasions. Les Juifs comme les chrétiens virent dans les malheurs de l’empire la juste punition des crimes de Rome envers le genre humain et surtout envers eux. L’écroulement continu de l’énorme édifice, dont la chute entraînait celle de tout l’ancien monde, leur fit l’effet d’une prochaine apparition des cieux nouveaux et de la terre nouvelle prédits par les prophètes. Un prétendu messie se montra en Crète et rassembla une foule enthousiaste autour de sa personne, puis disparut sans qu’on sût ce qu’il était devenu après avoir échoué dans son premier miracle. Au surplus, l’insignifiance politique du judaïsme palestin était de plus en plus visible. La population chrétienne désormais était prépondérante en Palestine ; des couvens nombreux émaillaient la terre sainte, choisissant de préférence les localités illustrées par les traditions bibliques. Des agglomérations juives toujours importantes, capables même de se révolter encore jusque sous l’empereur Héraclius (VIIe siècle), mais isolées, diminuant en nombre, ne pouvaient plus passer pour un peuple. Le patriarcat juif, reconnu officiellement par les empereurs jusqu’en 425, fut aboli sous Théodose II, et alors, pour les Juifs, commença le moyen âge. Il n’y eut plus en Occident de centre visible du judaïsme. Son histoire depuis lors s’éparpille dans les histoires nationales des peuples nouveaux, et la lamentable légende du Juif errant va devenir une vérité ; mais la société juive emporte avec elle son palladium, le Talmud, et trouvera dans son livre et la prédication de ses rabbins une solidité que son temple et ses prêtres n’avaient pu lui assurer.


III

Avant d’en finir avec cette histoire extérieure du judaïsme, il faut absolument jeter un coup d’œil rétrospectif sur un pays qui, dans l’Ancien Testament, passe pour une terre maudite, et qui, dans la période que nous étudions, était devenu une seconde patrie juive, au point de supplanter complètement en importance numérique et même religieuse la vieille terre classique d’Israël. Les Juifs restés