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même les allées et venues perpétuelles d’un certain R. Akiba, qui courait par tout le pays, semant sur sa route les mots d’ordre et la haine d’Edom (c’est ainsi que Rome et l’empire étaient désignés dans l’argot mystique des rabbins). Adrien, qui traversa la Judée en 130, put se faire les illusions que se font habituellement les souverains quand ils parcourent les provinces au bruit des acclamations mille fois répétées. Une médaille, frappée alors par ses ordres, le représente couvert de la toge impériale et recevant les hommages de la Palestine agenouillée, tandis que trois enfans (la Judée, la Samarie, la Galilée) lui offrent des branches de palmier. Adrien se laissa si bien prendre aux marques d’adulation d’un parti de peureux et de conservateurs intéressés, qu’il se crut sur le point de mettre le sceau à la réconciliation qu’il avait rêvée ; mais on ne devinerait jamais l’étrange idée que cet empereur bel esprit conçut comme le nec plus ultra de l’habileté politique. Jérusalem serait rebâtie, il en donnait aux Juifs sa parole impériale ; elle aurait un temple neuf sur l’emplacement de l’ancien, ce point délicat était encore acquis ; seulement… ce temple serait dédié à Jupiter Capitolin, et, pour éterniser la mémoire de cette heureuse pacification, la ville échangerait son nom hébreu contre l’un des noms de son nouveau fondateur, associé au vocable de son nouveau patron, elle s’appellerait désormais Elia Capitolina ! On ne peut être plus ingénieux ni meilleur prince. Le malheur est que, si Adrien eût cherché les moyens d’exaspérer le peuple juif jusqu’à la fureur, il n’eût pas mieux trouvé. Pendant qu’il se promenait fastueusement en Égypte, où il faisait, entre autres découvertes dénotant une grande pénétration, celle que le culte de Sérapis et le culte juif étaient à peu près identiques, les cavernes du Liban se remplissaient d’armes et de munitions. R. Akiba multipliait ses mystérieux voyages. On voyait arriver d’Asie-Mineure et des pays parthes une foule de jeunes gens qu’animait un zèle extraordinaire pour la visite des lieux saints. Enfin Adrien commençait à se délasser à Rome de ses longs voyages en compagnie de son favori, le bel Antinoüs, lorsque la nouvelle lui parvint brusquement que la Palestine était en feu. D’abord il n’en voulut rien croire. N’avait-il pas reçu quelques mois auparavant les preuves péremptoires de l’attachement inaltérable et du dévouement sans bornes de la population tout entière ? Il fallut pourtant se rendre à l’évidence. Le gouverneur romain, Tinnius Rufus, totalement pris au dépourvu par cette insurrection subite, avait dû abandonner l’un après l’autre les postes occupés par ses soldats, et de nouveau la Judée proclamait son indépendance.

Le héros de cette révolution fut un jeune inconnu de Kosiba ou Kesib, qui tirait de sa ville natale le nom de Bar-Kosiba, et que