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nationale R. Jochanan[1] fonda un centre religieux dont l’importance alla toujours en croissant. En particulier, le sanhédrin de Jamnia élabora la loi du sikarikon, destinée à régler les titres de propriété des terres enlevées par la violence pendant les troubles récens et réclamées par leurs anciens possesseurs. Son but secret était d’empêcher les colons d’origine étrangère d’acheter des terres en Judée, et peut-être faut-il voir dans ce détail peu connu l’une des causes principales qui expliquent l’étonnante prolongation des résistances du peuple juif. Ce peuple se refit donc tout doucement, non pas qu’il pût redevenir ce qu’il avait été sous le rapport du nombre et de la prospérité ; mais ce retour d’un ordre légal au sein d’une situation forcément pacifique produisit son effet ordinaire sur une population prolifique, laborieuse et douée d’une prodigieuse élasticité.

Sous Nerva (96-98), la politique impériale fut décidément indulgente aux Juifs. Le fiscus judaïcus s’exerça avec moins de rigueur. Il fut permis d’embrasser le judaïsme. Il est à croire que l’inquiétude causée par l’attitude menaçante des Parthes fut pour quelque chose dans ces adoucissemens. Une population juive nombreuse et riche, encore renforcée par les réfugiés de Palestine, était fixée en Mésopotamie et dans l’ancienne Chaldée, précisément sur la frontière des deux empires, et il n’était nullement indifférent de l’avoir pour ennemie dans la guerre qui ne pouvait manquer d’éclater. Ce calcul toutefois se trouva faux. Quelques mesures indulgentes ne pouvaient cicatriser des plaies si profondes, si vives encore, et Trajan, qui, de l’an 114 à l’an 117, porta la guerre dans ces contrées lointaines, s’en aperçut à ses dépens. Les Juifs des bords de l’Euphrate combattirent avec fureur l’armée des oppresseurs de leurs frères, et les succès chèrement achetés de l’empereur romain, succès dont il se glorifia trop vite dans ses rapports au sénat, ne l’empêchèrent pas d’être finalement réduit à l’obligation de se retirer en abandonnant ses conquêtes d’un jour. En même temps la nouvelle de la prise d’armes des Juifs de Babylone avait retenti au loin. Beaucoup de Juifs crurent que les temps messianiques étaient arrivés. Il y avait des oracles disant que le messie ferait son apparition derrière l’Euphrate. Les Juifs d’Égypte, de Cyrène, de Libye et de Chypre se mirent en révolte ouverte. La fermentation gagnait la Judée elle-même. Les premières troupes envoyées contre les révoltés furent battues. Les prisonniers grecs et romains furent livrés

  1. Nous rappelons une fois pour toutes que la lettre R. posée avant un nom juif indique le titre de rabbi du personnage nommé, comme en français R. P. devant le nom d’un moine ou le D. devant celui d’un bénédictin se traduisent par révérend père et dom.