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région, dit l’auteur, est encore en grande partie une mer d’herbes interrompue seulement de distance en distance par des villages, des champs cultivés et des rivières coulant avec lenteur entre des berges profondes. Le tchornosjom, s’étendant à la fois dans les bassins du Don, du Dnieper et du Volga, comprend Une superficie de près de 80 millions d’hectares, presque deux fois la grandeur de la France, et sur cet espace la terre offre partout une profondeur variant de 1 à 5 et même de 10 à 20 mètres. Ainsi que le prouve la nature géologique du sol, cette plaine n’est point d’origine océanique. Les « terres noires » étaient un continent de forme irrégulière, entouré par les eaux ; incessamment fertilisées par les détritus des gazons, elles se refusaient pourtant à nourrir des arbres ; il n’y existait point de fruits, et, grâce à un drainage naturel, il ne s’y formait aucune flaque d’eau stagnante. Ces terrains, préparés à la culture par une végétation herbeuse de plusieurs milliers de siècles, sont parmi les meilleurs du monde pour la production des céréales, et tôt ou tard ils deviendront un vaste champ de blé. Quelles richesses ignorées où délaissées !

En décrivant les formes diverses des montagnes, M. Reclus fait remarquer combien les langues policées sont pauvres en termes propres à en caractériser les aspects si variés ; il explique par des croquis les termes infiniment plus nombreux que renferment pour cet usage les idiomes des montagnards. Il développe la théorie de M. Élie de Beaumont sur les soulèvemens parallèles, et nous explique le rôle qui a été attribué aux montagnes dans l’économie de la vie planétaire. Passant à la théorie de l’arrosement du globe, il expose avec beaucoup de détails tout ce que l’on sait aujourd’hui touchant l’origine, la croissance et les mouvemens des glaciers, le régime des sources et des rivières, la formation et la diminution graduelle des lacs, etc. La dernière section, consacrée aux forces souterraines, traite des phénomènes volcaniques : éruptions, tremblemens de terre et oscillations lentes du sol. L’étude de ces phénomènes conduit M. Reclus à admettre qu’un mouvement incessant fait onduler l’écorce prétendue rigide de notre globe. « Les masses continentales, dit-il, s’élèvent pendant une longue série de siècles, puis elles s’abaissent de nouveau pour s’exhausser encore avec de lentes et majestueuses oscillations comparables au va-et-vient d’un balancier. » La Scandinavie, qui est dans sa période d’ascension, descendait pendant l’époque glaciaire ; les Andes et les montagnes de la Nouvelle-Zélande, aujourd’hui grandissantes, se sont autrefois abaissées par degrés de quelques milliers de mètres. Les continens se gonflent et se dépriment comme par une respiration lente, ils ont de longues ondulations analogues à celles des vagues ; le calme absolu y existe aussi peu que dans les couches de l’atmosphère. Tout change, tout est mobile dans l’univers, car le mouvement est la condition même de la vie. Le sol ferme