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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.


le métropolitain de Salamine : il reportait donc l’honneur de sa rétractation à ce grand docteur, lumière de l’orthodoxie. Cet hommage devait flatter Épiphane et le flatta en effet. Le vieil évêque ne se sentit pas de joie d’avoir procuré à l’orthodoxie orientale une conversion non moins brillante par la renommée du converti que par l’élévation de sa dignité, et il se voua désormais à le servir. C’est ainsi que cet homme, qui se jouait de tout, put faire, d’un candide vieillard l’associé de ses mauvais desseins et presque le complice d’un crime.

Aucune occasion plus favorable ne pouvait s’offrir aux vaniteuses prétentions d’Épiphane. Un concile allait se réunir prochainement à Constantinople pour juger la conduite des Longs-Frères, leurs opinions théologiques et la légitimité des censures qui les avaient frappés. C’était toute la question de l’origénisme, agitée solennellement pour la première fois dans la ville impériale, sous les yeux de l’empereur, en face des évêques réunis de tout l’Orient. Or qui guiderait le concile dans ses décisions ? qui poserait les articles de foi à défendre contre l’erreur ? qui dirigerait dans ce labyrinthe de subtilités philosophiques et de demi-vérités chrétiennes que présentaient souvent les ouvrages d’Origène ces prélats respectables, mais ignorans, qu’enverraient au synode les montagnes de Phrygie, de Cilicie, d’Arménie ou les campagnes de Thrace ? Les ténèbres étaient épaisses et la marche glissante, puisque l’archevêque de Constantinople lui-même avait failli, en croyant peut-être communiquer innocemment avec les Longs-Frères. Le devoir d’Épiphane, qui avait ouvert le combat, n’était-il pas de le soutenir jusqu’au bout, de prêter ses lumières au concile, de préparer la voie à des décisions d’une complète orthodoxie, de venir enfin à ses derniers jours raffermir l’église dans ce qu’il croyait un de ses plus grands périls ? Telles furent les pensées qui durent assaillir Épiphane quand il reçut, vers le mois de décembre de l’année 402, une lettre du patriarche d’Alexandrie ; telles furent au moins celles que cette lettre était destinée à réveiller dans son esprit.

La lettre l’entretenait en effet du futur concile, et Théophile, en lui envoyant une ampliation des Actes de celui d’Alexandrie, qui avait condamné les Longs-Frères, le priait de rédiger lui-même ou de faire rédiger par les évêques cypriotes, ses disciples, un formulaire où serait nettement posée la doctrine concernant Origène et l’origénisme. Ce formulaire devrait être envoyé à tous les évêques d’Asie, de Bithynie et de Cilicie ; lui-même se chargeait de ce soin, et il y joindrait les Actes de son concile d’Alexandrie et des explications personnelles sur l’excommunication des Longs-Frères. Ces documens seraient également transmis à l’archevêque de Constantinople, pour que celui-ci ne pût arguer d’ignorance ni quant aux